Alice Guilhon : SKEMA, champion de la "disruption" dans l'enseignement supérieur

Posté ven 20/10/2017 - 13:44
Par admin

En fusionnant en 2008, le CERAM et l'ESC Lille ont été les premiers à prendre le chemin de la disruption dans l'enseignement supérieur. Aujourd'hui SKEMA est reconnue comme un cas d'école et un acteur unique dans l'enseignement supérieur mondial. A l'occasion du petit-déjeuner Innovation et Connaissance, Alice Guilhon, directrice générale, a retracé cette aventure qui ouvre sur l'enseignement du 21ème siècle. Décapant.

Alice Guilhon : SKEMA, champion de la "disruption" dans l'enseignement supérieur

La disruption dans l'enseignement supérieur ? C'était l'un des thèmes qu'a traité Alice Guilhon, orfèvre en la matière, lors du dernier petit-déjeuner Innovation et connaissance sur le campus de Skema Business School. Un sujet que connait bien en effet la directrice générale de SKEMA qui a initié et piloté depuis le début l'opération de fusion entreprise en 2008 entre le CERAM de Sophia Antipolis et l'ESC Lille. C'est cette formidable mutation qui a conduit à une école globale, implantée sur six sites dans trois continents, qui est donnée aujourd'hui comme exemple non seulement en France, mais dans le monde.

Enseignement supérieur : une "disruption" qui a démarré tardivement

"La mutation de l'enseignement supérieur, nous sommes en train de la faire, mais très tardivement", explique Alice Guilhon. "Bien après d'autres secteurs. Pour une raison : l'enseignement supérieur et la recherche qu'on rattache maintenant à l'innovation sont l'apanage des Etats. Ils veulent garder la main mise sur la formation de leurs élites et la formation industrielle pour pouvoir irriguer le tissu économique. D'où un secteur jalousement gardé par des protections. Il ne s'agit pas de brevets mais de diplômes difficiles à acquérir et à délivrer sans être reconnu par de multiples ministères et services."

"Aussi, la mutation dans l'enseignement supérieur n'a démarré qu'il y a une vingtaine d'années. Certes on en parle maintenant comme d'une industrie qui s'est globalisée. Mais pour l'enseignement, globalisation était encore un gros mot il n'y a pas longtemps. Aujourd'hui nous sommes cependant dans un moment unique, avec des certitudes qui s'effacent. On s'aperçoit que l'on peut faire des choses qui n'étaient pas politiquement correctes il y a peu.

Deux contraintes de fond pour la disruption dans l'enseignement supérieur

Nous avons fait une fusion il y huit ans. Nous étions les premiers et nous avons alors reçu des messages du type : si vous fusionnez c'est que vous êtes au bout du rouleau. Nous avons montré qu'il était possible de disrupter. Mais il reste encore deux contraintes de fond. Premièrement l'académisme. On évalue un professeur par ses pairs en fonction de sa qualité scientifique sur des critères précis. Les disciplines sont tenues par des maitres qui évaluent. Dès lors qu'on s'écarte de la discipline, si on est transdisciplinaire, on perd des points.

Seconde contrainte : des systèmes de gouvernance lourds et des systèmes de financements très hybrides avec des chambres de commerce, des fonds publics, du ministère et un tout petit peu d'entreprises privées. Il est aussi difficile de disrupter dans un univers très incertain sur le plan du business modèle. Aussi, ce qu'on voit arriver aujourd'hui, ce sont des écoles d'université peu innovantes et qui ne bougent pas. Qui sont installées sur une certaine rente de marque.

"En Chine, nous sommes Chinois, aux Etats-Unis, Américains"

C'est ce système qu'est venu bousculer il y a 8 ans le CERAM transformé en SKEMA. "Nous avons pu réussir à disrupter, poursuit Alice Guilhon, "car nous sommes arrivés à nous extirper du territoire. Désormais nous sommes présents sur trois continents et pas seulement à travers des partenaires comme le font 70% des écoles qui se disent internationales. Nous avons nos propres structures. enracinées dans chaque pays. En Chine, nous sommes chinois avec des diplômes chinois. Aux Etats Unis nous sommes américains avec des diplômes américains.

Nous avons fait ce qui reste encore politiquement incorrect : une multinationale de l'éducation. Cela dans une forme qui n'existait pas, avec une marque globale qui se décline localement. Nous avons un standard globalisé avec des programmes à l'échelle de chaque pays et nous connectons nos six sites entre eux. Ainsi, il n'est pas rare de voir 1.200 étudiants connectés sur six sites."

L'"Océan bleu" de l'enseignement supérieur

Une école connectée sur trois continents qui n'a pas été facile à monter. Car il fallait les outils informatiques adaptés. "Quant nous avons installé notre nouvel ERP et que nous sommes allés voir les outils disponibles sur le marché, il nous a été dit qu'il était impossible de connecter en même temps Chine, Etats-Unis, Brésil et France." SKEMA y est cependant parvenu à travers un partenariat fort avec Microsoft.

"Nous avons réussi à créer l'Océan bleu dans l'enseignement supérieur" (l'espace stratégique non contesté des auteurs du livre Blue Ocean Strategy), estime Alice Guilhon"Nous avons montré que nous étions capables d'être à la fois une "connected school", une global, local, multinational school. Ce nouveau modèle d'école s'est joué d'autre part sur le fond et sur la forme avec une gouvernance elle aussi ultra disruptive. Nous avons changé les règles, les structures, les comportements. Ce qui explique aussi qu'aujourd'hui nous sommes vus et considérés comme un acteur unique dans l'enseignement supérieur mondial."

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