Bernard Brochand, du monde de la communication à la "politique"

Posté ven 04/06/2010 - 10:10
Par admin

Comme Michael Bloomberg à New York, Bernard Brochand à Cannes est passé du monde de la communication à celui de la politique et se trouve à la tête d'une des villes stars de la planète. Ce passage de l'entreprise à la politique a particulièrement intéressé Dominique Perron Rousset qui lui a consacré un de ses Entretiens Privés.

Bernard Brochand, du monde de la communication à la "politique"
 

Sa première vie, celle d'un capitaine d'entreprise, Bernard Brochand l'a commencée chez Procter & Gamble au service marketing. Dure, mais excellente école. Il a ensuite été successivement Directeur Général puis Président du Directoire d'Eurocom, et enfin Pdg de DDB International, la première agence internationale de publicité après avoir été le fondateur de la filiale européenne. Un parcours professionnel exceptionnel au cours duquel il côtoya les grands de ce monde et fut en particulier le conseiller de Jacques Chirac, l'ancien président de la République française.

Sa deuxième vie, elle, a débuté à 63 ans, un âge auquel beaucoup aspirent à la retraite : en 2001, l'enfant de Cannes est revenu "au pays" et a été élu maire de la ville du cinéma (une autre de ses passions avec le football), puis député. Des mandats pour lesquels il a été réélu depuis. C'est ce passage de l'entreprise à la politique qui a particulièrement intéressé Dominique Perron Rousset qui lui a consacré un de ses Entretiens Privés. Comme dans les autres portraits qu'elle a dessinées des grands acteurs de la Côte d'Azur, la fondatrice de Tara Communication (cabinet conseil en image et management spécialisé en communication financière), a cherché à porter un regard de "spécialiste de l'image" sur cet homme aux multiples facettes, en retraçant l'environnement de Bernard Brochand et en cherchant à découvrir plus en profondeur sa personnalité.

C'est ce que l'on retrouve dans l'entretien ci-dessous et dans un "I have a dream" très personnel qui remplace le "Questionnaire de Proust" accompagnant habituellement les entretiens.

 

L’environnement

Il pleut mais j’ai de la chance car j’ai rendez-vous avec le Maire de Cannes et la barrière du parking s’ouvre afin que je puisse me garer, tout à coté. A l’étage, je m’assois dans la salle d’attente où trônent de grandes vitrines contenant des cadeaux offerts à la Ville. Bernard Brochand, très souriant, ouvre la porte de son bureau. Dans cette immense pièce claire, les larges fenêtres donnent toutes sur la mer, les bateaux et les trois couleurs de Cannes dominent, le bleu, le jaune et le blanc. Il m’emmène près d’un grand bureau en verre où sont posés, à plat et côte à côte, tous les livres écrits sur cette belle commune. Je remarque, plus spécialement, le sien « Vous pouvez réussir l’impossible » avec Pierre-Dominique Cochard, et un autre livre "50 ans et après" d’Eric Dudan.

De l’autre côté de la pièce, au dessus d’un meuble bas, il me montre des photographies où l’on peut le voir en compagnie de grands hommes et je reconnais Pelé, le fameux footballeur brésilien. Dans un cadre, je lis avec lui un de ses écrits "I have a dream" (voir, ci-joint, en remplacement des habituelles réponses au questionnaire de Proust). Sur les murs sont accrochées des photographies, des affiches de cinéma et une vue de la construction de la Mairie (1890).

Nous nous asseyons, l’un à coté de l’autre, à la vaste table ovale de réunion : il me précise "je préfère les espaces qui réunissent plutôt que ceux qui séparent". Je souris, complice, à cet homme de communication…

 

Auprès des Cannois

DPR : Auprès des Cannois, comment pensez-vous être perçu ?

Bernard Brochand : La perception est fondamentale dans la vie car elle est plus importante que la réalité. Je suis originaire de Cannes. Mon père, expert-comptable, et mon grand-père, directeur des Dames de France, étaient Cannois. Mon grand-père était un homme extraordinaire qui m’a beaucoup appris (note de DPR : il me raconte une anecdote qui l’a marqué à l’époque de la guerre, lorsqu’il avait 5 ans). Le décès de notre père a été une catastrophe car, très jeunes, nous avons été obligés, mon frère et moi, de travailler et nous avons du faire tous les métiers du monde pour aider notre mère à faire face financièrement. En ce qui concerne, donc, les Cannois, il y a des gens qui me connaissent depuis cette époque et puis il y a ceux qui m’ont connu bien plus tard. La perception qu’ils ont de moi est forcément très différente.

Puisque que vous êtes également Député, comment pensez-vous être perçu par les habitants de votre circonscription ?

C’est exactement pareil, la perception est multiple et elle est en fonction de l’ancienneté de connaissance. Je pense, néanmoins, qu’ils me voient comme un homme d’action. De nombreux étrangers habitent à Cannes avec, par exemple, plus de 800 italiens qui votent dans cette ville. Je crois qu’ils me perçoivent comme un homme polyglotte ayant une belle expérience de l’international.

 

Au sein de la mairie

DPR : Selon vous, comment pensez-vous être perçu auprès de vos agents municipaux?

Bernard Brochand : c'est à eux qu’il faut le demander. Ce que j’ai apporté, peut-être, aux employés municipaux c’est de les avoir poussés dans leurs capacités ; ne pas s’auto censurer, avoir des initiatives, avoir des jugements afin de pouvoir réaliser. Le boulodrome en est un bel exemple. Plutôt que d’aller chercher à l’extérieur, après la surprise passée, j’ai confié ce projet à un jeune architecte de la mairie qui avait très bien défini le cahier des charges. Si l’on possède les compétences en interne, pourquoi ne pas les utiliser. Cette réalisation est superbe et les chinois viennent l’admirer. J’ai d’ailleurs recommencé l’opération avec la capitainerie du port Canto (rires).

Comment êtes-vous vraiment ?

Je n’existe que pour AGIR et pour FAIRE. Mon obsession quotidienne, c’est un peu la même qu’Anny Courtade (note de DPR : voir l’entretien privé d’Anny Courtade du 21 janvier 2009), c’est : FAIRE. La pression que je mets sur tout par rapport aux procédures, aux employés municipaux, aux projets : c’est de REALISER !

 

Auprès des autres élus

DPR : Auprès des autres élus du département, quelle image avez-vous, selon vous?

Bernard Brochand : Je les aime beaucoup, quelque soit leur bord. Etre élu, c’est très difficile. C’est même dur ! J’aime ceux qui ont le courage d’aller devant le citoyen, de se faire élire et même d’avoir seulement cette démarche : cela peut être intéressé, cela peut toucher parfois à la mégalomanie mais il faut y aller. Encore une fois, quelque soit l’homme, c’est plus que respectable. Se mettre devant le jugement des électeurs…

 

Les autres élus me perçoivent, je crois, comme quelqu’un d’ailleurs !!! (rires).Pas vraiment comme un homme politique, à cause des relations différentes que j’ai pu avoir durant tant d’années dans mon métier, avec de grands dirigeants.

Quand Jacques Chirac a su que je souhaitais me présenter, il m’a dit "Si tu y vas, il faut que tu fasses cela et cela" et, comme habituellement je le conseillais, je crois qu’il ne voulait pas que je perde (rires).

Pour Nicolas Sarkozy, c’est un peu la même chose et, c’est inimaginable pour lui car j’ai gagné 5 fois des élections (rires).

 

Parcours

DPR : Pouvez-vous m’expliquer votre motivation à devenir Maire de Cannes ?

Bernard Brochand : Ma famille a toujours vécu à Cannes. J’ai moi-même grandi et suivi toute ma scolarité dans cette ville. J’y ai mes racines les plus profondes, toutes mes attaches, une part essentielle de mon âme, de mon identité, de mes valeurs. Alors, au moment de mettre un terme à ma carrière professionnelle, il était évident pour moi de revenir y vivre. Plusieurs de mes amis, témoins médusés comme tous les Cannois des scandales de corruption qui, dans les années 90, salissaient la ville aux mains de l’ancien maire, m’ont pressé de me présenter. Jusqu’à l’ancienne députée de la circonscription, Louise Moreau, devenue par la suite présidente de mon comité de soutien. Une femme extraordinaire dont le tempérament, le franc parlé et le passé de résistante m’impressionnaient vraiment et pour qui j’avais une affection et une admiration sincères. C’est donc tout à la fois l’amour de ma ville, la fidélité à mes amis et le sens du devoir pour sortir Cannes des ornières qui m’ont poussé à m’engager dans la campagne et à proposer aux Cannois de faire du neuf ensemble, dans une ville qui méritait tellement mieux.

A votre sens, quelles sont les réalisations majeures dont vous êtes fier pour la Ville de Cannes ?

La construction du nouvel hôpital de Cannes, attendu depuis plus de vingt ans, reste incontestablement la réalisation la plus emblématique, et celle qui me donne le plus de fierté, tant par la nature de l’équipement que par la performance technique de sa construction sur le site de l’établissement actuel, sans aucune interruption de l’activité hospitalière. Je me suis battu dès 2001 pour ce projet. C’était une nécessité absolue pour Cannes et son agglomération. Aujourd’hui, c’est une réalité.

D’autres réalisations majeures m’apportent aussi de grandes satisfactions. De la construction en cours de la nouvelle station d’épuration (voir ci-dessous, la question d’actualité), l’embellissement et la modernisation du Palais des Festivals et des Congrès qui est une véritable locomotive économique et sociale pour notre arrondissement, à la rénovation de quartiers entiers comme Ranguin, Sainte Jeanne, La République, etc. Ou encore la mise en place du plan lumière, la rénovation de la voirie, sa mise en accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, etc.

Bien sûr, dans l’action municipale, il y a ce qui se voit de loin et par tous, et il y a tout le reste, plus discret, moins visible, mais également essentiel et mobilisant : le premier PLU (Plan Local d'Urbanisme) dans le département qui a réduit les droits à bâtir sur la commune en faveur des espaces verts, le renforcement des effectifs de la police municipale, la vidéoprotection, des transports publics renforcés, et gratuits pour les personnes de plus de 60 ans non imposables, la rénovation des écoles maternelles et élémentaires, une solidarité accrue auprès des plus fragiles, des démunis, et des personnes âgées isolées.

Bref, une action quotidienne dans tous les quartiers et dans tous les domaines pour rendre la vie des Cannois plus agréable, plus qualitative, et notre territoire plus attractif.

Pour nous rassurer, regretteriez-vous une éventuelle lacune qui pourrait être notée ?

Il en existe toujours, mais celle qui m’exaspère le plus est celle qui, dans notre pays, tend à décourager les initiatives, à alourdir les procédures, à limiter les projets par excès de formalisme, du fameux principe de précaution. Cette inclination à la lourdeur administrative, à la frilosité, m’est insupportable. Si nous voulons redonner de l’élan à la France et à nos communes, il est essentiel de libérer les énergies, de favoriser les expérimentations, d’encourager l’audace. Aujourd’hui, ce n’est hélas pas le cas. Et c’est certainement la seule source de frustration dans mon action pour Cannes et pour les Cannois : que les choses n’aillent pas plus vite.

Parmi les multiples projets que vous nourrissez aujourd’hui, quels sont ceux qui vous paraissent les plus importants ou les plus tentants, à titre privé ?

Mon rêve, c’est d’être producteur de cinéma, mon fils l’est à ma place…

Mon héros c’est Clint Eastwood ! Pas l’acteur, mais le metteur en scène, le musicien, le producteur. J’ai fait la 1ére campagne sur le cinéma, dans les années 70. L’accroche était "Quand on aime la vie, on va au cinéma". Pour des annonceurs et leurs campagnes de pub, j’ai réalisé de nombreux films publicitaires en faisant appel à des metteurs en scène : Jean-Jacques Annaud, Jacques Perrin, Edouard Molinaro. Ce sont aujourd’hui des amis proches qui ont vieilli avec moi et avec qui j’ai partagé "leurs" espoirs ! Je suis malade de cinéma ! Quand arrive à Cannes le festival, c’est pour moi la plus belle période de l’année.

Si je ne suis plus maire, je réaliserai un film !

 

La question d’actualité

DPR : La communauté d’agglomération Est (Nice) est bien ancrée, où en est la communauté d’agglomération Ouest (Cannes) ?

Bernard Brochand : La coopération intercommunale existe déjà dans de multiples domaines dans l’ouest des Alpes-Maritimes, que ce soit en matière de gestion des déchets, de transports publics, d’eau potable, d’assainissement, du contrat de baie, etc. - sous la forme de syndicats intercommunaux. Mais il est vrai que nous ne disposons pas encore d’une intercommunalité à fiscalité propre. J’ai toujours défendu, pour ma part -et je soutiens encore-, la nécessité d’établir un vrai projet commun sur la base du dialogue, du respect -notamment des petites communes dont l’identité doit être préservée-, et de l’équité démocratique. Chaque commune, quelle que soit sa taille, doit pouvoir prendre part, au même titre que les autres, à l’élaboration de ce grand projet, en y apportant sa propre valeur ajoutée. Et l’accord sur le fond, sur ce que l’on veut faire ensemble de façon efficace, doit être clair et préalable à l’engagement définitif sinon, gare à l’inflation fiscale irresponsable

L’exemple de la station d’épuration – qui ne répondait pas aux normes depuis…1992 – est éclairant à cet égard : le projet en route en 2001 m’a paru d’un coût exorbitant ; il m’a fallu m’unir avec d’autres maires pour proposer un projet innovant, efficace,…et deux fois moins coûteux – qui l’a emporté car le rapport de forces était favorable. Ce n’est pas toujours le cas – par exemple en matière de transports publics – et je le déplore.

Dominique Perron Rousset

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