Cannes : la disparition du croisé de l'anti-corruption

Posté dim 26/09/1999 - 00:00
Par admin

Avec Michel Lacroix, le président de l'association d'information et de défense de Cannes, c'est l'un des plus sévères gendarmes de l'urbanisme cannois qui quitte la scène publique.

Une disparition qui a frappé les esprits à Cannes! La mort brusque de Michel Lacroix, samedi après-midi, alimentait aussi beaucoup de discussions dimanche au marché Forville. C'est que depuis 1991, en créant l'A.I.D.C. (association d'information et de défense de Cannes), Michel Lacroix s'était imposé comme le croisé de la lutte anti-corruption dans une ville qui restera au centre d'un des plus grands scandales politico-financier des années 90.Un décès brutalLes circonstances du décès ne semblaient pas à priori laisser supposer autre chose qu'une mort naturelle suite à un malaise cardiaque. Michel Lacroix, qui travaillait chez lui, dans sa villa de La Bocca, avenue Maurice Chevalier, avait reçu des amis proches de son association dans la matinée. Rien ne présageait son décès brutal dans l'après-midi. Sa compagne qui, après avoir entendu un grand bruit, devait le retrouver gisant dans la salle de bains, avait appelé alors immédiatement le SAMU et SOS Médecins. Les tentatives de réanimation s'avérèrent inutiles.Michel Lacroix n'ayant pas d'antécédent cardiaque et n'étant pas soigné pour une maladie du cœur, il fut décidé, au vu de la brutalité du décès, de demander le contrôle du médecin légiste avant d'accorder le permis d'inhumer. Avec des résultats qui, en raison du week-end, ne seront pas obtenus avant lundi ou mardi.Il est vrai que les nombreuses affaires dont le défunt avait eu à traiter, son combat et les intérêts nombreux qu'il avait contrecarrés engageaient à ne rien négliger.Le pourfendeur de l'illégalitéMichel Lacroix, qui venait de Bourg-en-Bresse était apparu sur la scène cannoise en 1990. Michel Mouillot, le grand communicateur, venait de battre Anne-Marie Dupuy aux élections municipales de 1989 et commençait à chevaucher de grands projets immobiliers : une seconde 'Croisette' sur La Bocca, la reconstruction du Palm Beach, la Z.A.C. SNCF, etc. Alors que Cannes était toujours sous le charme d'un Michel Mouillot triomphant, Michel Lacroix avait commencé sa croisade anti corruption s'attaquant méthodiquement aux permis de construire entachés d'illégalité, des plus petits aux grands projets.Historiquement, ce commando de l'environnement qui avait été pris de haut au départ par l'équipe municipale dirigeante, restera comme l'un des deux tombeurs de Michel Mouillot avec Philippe Sassi, le président des copropriétaires du Palm Beach. Sa démarche, Michel Lacroix l'expliquait simplement : il avait choisi de lutter contre l'illégalité, notamment en matière de permis de construire, parce que cette illégalité était pour lui l'une des principales sources de corruption.Les grands dossiers épinglésTravailleur acharné, il avait acquis au fil des années une connaissance juridique très pointue pour tout ce qui concernait l'urbanisme, ses lois et ses règles. Et les dossiers qu'il présentait faisaient souvent mouche : une bonne quarantaine d'annulation de permis de construire.Parmi eux, la plupart des grands dossiers cannois qui ont émaillé ces dix dernières années : la villa Kashoggi, la villa Botton, la reconstruction du Palm Beach, la résidence hôtelière le Relais de la Reine sur la Croisette, l'extension du palais des festivals, la reconstruction de l'hôtel Belle Plage, le lotissement Cannes Midi avec le plus fort dépassement en nombre de mètres carrés jamais constaté en France, la ferme aquacole, le Port Canto, les terrains de la Semcad, la déclaration de signature pour la boutique Zara, la villa Cohen, l'affaire Ossona (l'immeuble construit, fait rarissime, a d'ailleurs été totalement détruit), Cannes Esterel (le terrain Piccolo), la rénovation du marché Forville, le théâtre Pierre Cardin à Théoule, etc…Un contre-pouvoir qui tombeMichel Lacroix, dont on peut consulter une partie des dossiers sur le site Web de /www.aidc.org">l'A.I.D.C., s'était fait évidemment beaucoup d'ennemis. D'autant plus qu'il avait élargi son action aux communes voisines de Mandelieu (il avait notamment fait annuler une Z.A.C.) et du Cannet-Rocheville. Les professionnels de l'immobilier, architectes, promoteurs, entrepreneurs, agents immobiliers, avaient notamment regretté l'enlisement de tous les projets et le fait que la menace entretenue avait pour effet de bloquer le processus d'attribution des Permis de Construire.Le président de l'A.I.D.C. n'en avait pas moins apporté sur Cannes un contre-pouvoir. Il avait prouvé que le simple citoyen peut, par son action, changer le cours des choses. L'A.I.D.C. et ses 1.500 adhérents, privés de leur leader charismatique, auront-ils les moyens de poursuivre le travail de moralisation entrepris? Cannes, sans son gendarme de l'urbanisme, ne risque-t-il pas de retomber dans ses errements passés? La disparition de Michel Lacroix, en tout cas, a créé un grand vide. N'en déplaise à ceux qui pourraient s'en réjouir…

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