David Foenkinos : une obsession qui accouche d’un chef d’oeuvre

Posté mar 07/10/2014 - 14:44
Par admin

David Foenkinos était l’un des invités vedettes du Festival du Livre qui s’est déroulé ce week-end à Mouans-Sartoux où il présentait « Charlotte », un roman qui est d’ores et déjà l’un des grands succès de la rentrée littéraire et qui figure en bonne place dans les sélections des Prix Goncourt et Renaudot. Un livre consacré au destin tragique de Charlotte Salomon, une artiste peintre qui obsède David Foenkinos depuis un choc émotionnel lors d’une exposition de ses œuvres à Berlin. Rencontre avec l’auteur qui a transformé son obsession en un petit bijou qui embarque le lecteur sur les traces d’une vie incroyable.

David Foenkinos : une obsession qui accouche d’un chef d’oeuvre

Depuis plus de huit ans, après être tombé par hasard lors d’une exposition à Berlin sur les œuvres de Charlotte Salomon, David Foenkinos est totalement obsédé par le destin tragique de cette artiste peintre gazée, alors qu’elle était enceinte, à son arrivée à Auschwitz où elle avait été déportée suite à une dénonciation alors qu’elle était en exil depuis plusieurs années sur la Côte d’Azur, à Nice, Villefranche-sur-Mer et Saint-Jean Cap Ferrat, où dans une petite chambre d’hôtel, elle se réfugia dans le travail pour peindre une œuvre magistrale « Vie ? Ou Théâtre ? », dans laquelle elle raconte l’histoire tragique de sa vie. Une vie à laquelle David Foenkinos souhaitait consacrer un livre depuis plusieurs années, après avoir déjà fait apparaître le personnage de Charlotte Salomon dans plusieurs de ses romans, notamment « Les Souvenirs ».  Mais malgré son désir intense, l’accouchement fut très difficile au point que l’auteur failli renoncer à son projet avant de trouver la solution en adoptant un style très particulier avec des phrases ultra courtes de moins d’une ligne, avec à chaque fois, un retour à la ligne qui donne à son récit une légèreté nécessaire pour faire le contrepoint à la vie de Charlotte marquée par une succession de tragédie.

La malédiction du suicide

Car, bien avant son horrible fin dans les Camps de la mort, Charlotte Salomon aura traversé bien des épreuves qui donnent sans doute encore plus de force à son œuvre. Sa famille est d’abord victime d’une incroyable malédiction du suicide qui frappa notamment sa tante qui, alors que rien ne le laissait prévoir partit un soir de chez elle pour aller se jeter d’un pont dans l’eau glaciale d’un fleuve. Une disparition dont sa mère ne se remettra jamais, avant de trouver la mort en se jetant par la fenêtre. Un triste chemin suivi quelques années plus tard par la grand-mère de Charlotte. Outre cette succession de drames familiaux, Charlotte Salomon sera aussi victime de la montée du nazisme dans le Berlin des années 30 et du sort cruel réservé aux juifs. Si, un peu par miracle,  elle parvint à intégrer l’école des Beaux-Arts, elle ne sera pas autorisée à venir chercher son prix de fin d’année qui récompensait son talent. Son père médecin et sa belle-mère, l’une des grandes divas de l’époque, furent ensuite dans l’impossibilité d’exercer leurs métiers. Après avoir été arrêté et interné plusieurs mois suite à la Nuit de Cristal, son père poussera Charlotte à prendre le chemin de l’exil et à rejoindre ses grands-parents sur la Côte d’Azur où ces derniers avaient trouvé refuge.

Une œuvre magistrale réalisée dans l’urgence

Même si Nice, sous contrôle, fut longtemps relativement préservée d’une politique anti-juifs, et que, durant son séjour, Charlotte Salomon pût bénéficier du soutien de quelques personnes admirables comme la riche américaine Ottilie Moore ou le Docteur Moridis  de Villefranche-sur-Mer, son exil ne fut pas toujours rose. Comme pratiquement tous les allemands réfugiés, elle fut tout d’abord interné dans un camps dans les Pyrénées lors de la déclaration de guerre de la France contre l’Allemagne, puis, en 1942, elle échappera de peu à une sorte de rafle lorsqu’elle ira se faire recensée à Nice. Dès lors, se sentant menacée et très marquée par cette succession d’événements tragiques, elle se réfugiera dans le travail en allant peindre l’œuvre de sa vie dans une petite chambre d’hôtel à Saint-Jean Cap Ferrat. Une œuvre fascinante, pleine de vie et de lumières, qui mêle textes et dessins pour raconter l’incroyable histoire de sa vie. Des gouaches dans lesquelles explose tout son génie mais où perce aussi un peu sa folie. L’œuvre de sa vie qu’elle confiera dans une valise au Docteur Moridis  qui réussira à la préserver et à la transmettre des années plus tard au père de Charlotte qui, lui, a finalement traversé toutes les épreuves de la guerre, alors que l’exil de sa fille s’est transformé en tombeau. Une œuvre aujourd’hui trop méconnue mais qui, grâce au succès du livre de David Foenkinos, ne devrait pas tarder à ressortir de l’oubli. Après l’incroyable plaisir de lecture qu’il procure, voici encore l’un des grands mérites de ce petit chef d’œuvre qu’est « Charlotte ».

 

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