Regard franco-américain sur l'éducation : les promesses de la "classe inversée"

Posté jeu 15/01/2015 - 09:31
Par admin

La classe inversée, c'est une autre façon d'apprendre et d'enseigner que nous présentent Sandrine et Maxime Crener dans ce premier "regard franco-américain sur l'éducation" de l'année. Le principe est simple : les élèves suivent le cours à la maison et font leurs exercices en classe. Mais le rôle de l'enseignant, qui devient un véritable guide d’apprentissage, est profondément changé.

Maxime Crener a dirigé le Ceram à Sophia et développé l'Université Internationale de Monaco. Son épouse, Sandrine, est Research Associate à la Harvard Business School. Tous deux, installés depuis cinq ans à Boston, ont gardé un pied sur la Côte d'Azur. Ils sont aussi souvent appelés par des amis azuréens ou monégasques inquiets pour l'avenir de leurs enfants. D'où l'idée de cette rubrique hebdomadaire sur les problèmes actuels de l'éducation avec un point de vue posé des deux côtés de l'Atlantique. Pour cette première chronique de l'année, ils vous présentent une autre façon d'apprendre et d'enseigner qui fait de plus en plus d'émules aux Etats-Unis : la classe inversée.

La classe inversée : une autre façon d’apprendre et d’enseigner 

Permettez-nous de vous présenter à nouveau nos meilleurs vœux pour l’année 2015, vœux assombris malheureusement par les évènements tragiques de la semaine dernière. Des deux côtés de l’Atlantique la désolation est grande et ici aussi on est Charlie.

Nous nous sommes quittés en Décembre sur une note sur le changement (nous y reviendrons) qui nous disait que c’est possible de changer mais que l’exercice est difficile. En relisant pendant la fin de nos vacances quelques livres et revues dans le domaine de l’éducation nous nous sommes aperçu qu’un thème en 2014 revenait souvent des deux côtés de l’Atlantique : la classe inversée ! Nous sommes heureux de reprendre contact avec vous au travers d’un concept simple mais qui prend une place importante dans la pédagogie de l’apprentissage. Depuis quelques années, l’expérience de la classe inversée fait de nombreux émules dans les écoles mais aussi au collège, au lycée et à l’université.

Ainsi expérimentée depuis une quinzaine d’années, la classe inversée (ici on l’appelle "flipped classroom") se présente comme une approche pédagogique consistant à inverser les activités d’apprentissage. C’est en 2004 que Jonathan Bergmann et Aaron Sams, deux professeurs de lycée au Colorado, constatant dans leurs cours un fort absentéisme, décident de produire des résumés de leurs cours pour leurs élèves absents. En 2007 grâce à des technologies de l’information moins onéreuses, ils filment leurs cours et les rendent disponibles pour les absents ! Ils se rendent compte que tous les élèves vont les consulter et en discutent entre eux et que la classe de chimie devient ainsi plus participative. Le concept de classe inversée est né.

Dès lors le développement des nouvelles technologies  de l’information va permettre de mettre en place des ressources sous des formes de plus en plus variées (audio, vidéo, podcasts, diaporamas…), voire interactives (questionnaires de compréhension, lien vers d’autres ressources…). Dans ce nouveau modèle d’apprentissage, les contenus de cours sont livrés par des  capsules vidéo que les élèves doivent assimiler avant d’aller en classe ; le temps de classe est consacré à des applications pratiques, du travail d’équipe ou à des échanges avec le professeur.

La notion de classe inversée est élémentaire a priori : les élèves suivent le cours à la maison et font leurs exercices en classe. C’est lors d’une conférence TED en mars 2011 que Salman Khan, fondateur de la Khan-Academy va proposer l’utilisation de ses vidéos éducatives pour "inverser les classes" et ainsi populariser cette nouvelle approche pédagogique.

De manière plus générale cependant, la classe inversée, comme le souligne fort justement Héloïse Dufour*, c’est donner à faire à la maison, en autonomie, les activités de bas niveau cognitif pour privilégier en classe le travail collaboratif et les tâches d’apprentissage de haut niveau cognitif, en mettant les élèves en activité et en collaboration. C’est au fait la taxonomie de Bloom (les habiletés peuvent être mesurées sur un continuum), modèle pédagogique proposant une classification des niveaux d’acquisition des connaissances qui organise l’information de façon hiérarchique, "de la simple restitution de faits jusqu’à la manipulation complexe des concepts ", qui est souvent mise en œuvre par les facultés cognitives dites supérieures.

Le modèle de la taxonomie de Bloom constitue l’une des démarches d’approfondissement souvent utilisées pour augmenter le niveau de réflexion des élèves. D’ailleurs le modèle pédagogique de la classe inversée comme le montre Hamdan et al.* s’articule autour des principes suivants :

  • Un environnement flexible (Flexible Environment) : La flexibilité dans la façon dont les étudiantes et étudiants apprennent suppose des classes adaptables
  • Une culture d’apprentissage (Learning Culture) : La classe inversée suppose que l’étudiant soit actif et devienne le maître d’œuvre de son processus d’apprentissage.
  • Du contenu pré-sélectionné (Intentional Content) : Les leçons, quel que soit le support choisi, doivent proposer un contenu de grande qualité,
  • Des enseignants professionnels (Professional Educators) : le rôle des enseignants est diffèrent en situation de classe inversée (coach, animateur, facilitateur), il n’en est pas moins important.

Inverser la classe revient donc à profondément modifier le rôle traditionnel de l’enseignant : ce dernier devient un véritable guide d’apprentissage. Il passe du face-à-face au côte-à-côte, permettant la mise en place d’une "co-construction des savoirs". Ainsi la classe devient le lieu de discussion, du partage du savoir et d’un apprentissage collaboratif. Aujourd’hui après des années d’expériences très diverses on peut dire que c’est une nouvelle façon d’aborder l’éducation, une philosophie nouvelle de l’apprentissage !

Sandrine et Maxime Crener  

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Repères*

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