6- Trois enseignements pour l'Europe? et pour le cas EDF

Posté mar 05/03/2002 - 00:00
Par admin

Trois enseignements peuvent être retenus de l'expérience californienne.- Point 1 : Contrairement à ce que l'on entend dans le débat politique actuel (notamment sur la nécessaire privatisation d'EDF), des prix qui réagissent librement aux déplacements de l’offre et de la demande ne sont pas une condition suffisante au bon fonctionnement d’un marché. Il faut encore qu’offres et demandes réagissent en retour aux signaux de prix dans le sens qui convient.Or il apparaît que le prix n'est pas le seul signal pertinent, ni même le plus important dès lors que ce qui est en jeu, du côté de l’offre, c’est la décision de réaliser des investissements valant engagement sur le long terme. Il n’est pas vrai que des hausses de prix signalent à elles seules qu’il est temps d’augmenter les capacités de production. Les producteurs doivent pouvoir disposer d’une information fiable sur les quantités offertes et demandées aux prix en vigueur, c’est-à-dire sur les comportements des autres acteurs, ce qui requiert à la fois des relations de long terme et des prix stables.- Point 2 : Tout investissement d'une certaine importance pose classiquement aux dirigeants d'entreprises un problème de prise de risque. C'est encore plus vrai dans tout ce qui est politique d'innovation. Par ailleurs, le poids grandissant des actionnaires et leurs possibilités de recours tend à rendre les managers de moins en moins enclins à la prise de risque. Les entreprises seront aussi de plus en plus réticentes à investir massivement dans des outils de production innovants en l'absence de lisibilité à la fois sur les retours (marges) et sur la durée prévisible de la période de retour sur investissement.Il y a donc une certaine contradiction entre l'instauration d'un prétendu mécanisme de marché pur et dur, censé éviter les appropriations indues de rente, et la nécessité, précisément pour les dirigeants d'entreprises, de pouvoir bénéficier de l'assurance d'une rente suffisante à long terme pour s’engager dans des politiques d'innovation. Des politiques dont personne cependant ne conteste l’intérêt pour l'ensemble de la collectivité...Le problème appelle donc des réponses un peu plus complexes que le seul recours incantatoire aux lois du marché. En l'occurrence, comme disait Nietzsche "une affirmation convaincante n'est pas vraie pour autant, elle est simplement convaincante". Qui ajoutait, ce que nous ne serions faire, "remarque destinée aux ânes” .- Point 3 : La mise en place d’un marché de l’électricité doit s’accompagner de médiations institutionnelles et organisationnelles propres à contenir les écarts entre offre et demande en électricité. C'est en ce sens qu'il faut plaider pour le maintien de firmes verticalement intégrées (qui puissent être à la fois producteurs et distributeurs), pour une quasi-intégration par le canal de contrats de long terme, pour des mécanismes d’incitation qui garantissent l’existence de réserves de capacité. Toutes choses qui ne sont nullement contradictoires avec le développement d’une concurrence praticable sur les différents segments de l’industrie électrique. Ce sont là les conclusions à retenir pour un modèle européen qui reste bien sûr à inventer.- Jean-Luc.Gaffard@idefi.cnrs.fr- herve.gasiglia@wanadoo.fr

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