Affaire Vicky Binet : harcèlement moral ou management ?

Posté lun 17/03/2003 - 00:00
Par admin

Le suicide de Vicky Binet est désormais dans les mains de la justice. André Binet (photo Une), l'époux de Vicky et ses enfants ont décidé de porter plainte. La direction d'Amadeus quant à elle estime que rien d'anormal n'a été fait dans l'entreprise. Les éléments du dossier.

Fin janvier, le suicide de Vicky Binet, une salariée d'Amadeus à Sophia Antipolis, avait profondément ému toute la communauté high tech de la Côte d'Azur. Vicky, mère de quatre enfants, s'était suicidée en se jetant du pont de la Brague, devant son entreprise, et en laissant une lettre de plusieurs pages dans laquelle elle expliquait qu'elle avait été poussée à cette extrémité suite au harcèlement moral dont elle s'estimait victime. Ce qui avait été d'abord un horrible drame familial, un véritable cauchemar pour l'entreprise et une prise de conscience douloureuse dans le high tech azuréen, pourrait prendre prochainement une dimension beaucoup plus grande et devenir un cas d'école national.Car la famille, qui a pris comme avocats Mes Alain Chirez et Mireille Damiano, a porté plainte la semaine dernière. Si le harcèlement moral est retenu, le débat devrait avoir lieu en justice autour d'une interrogation majeure : quelles sont les frontières entre le harcèlement moral et les nécessités du management ? Une affaire qui pourrait avoir un retentissement national d'autant plus grand que les salariés se montrent de plus en plus sensibles à ce thème relativement nouveau sur le plan juridique du harcèlement moral et qu'Amadeus est une entreprise emblèmatique.D'un côté, une loi dont les contours n'ont pas encore été bien cernés par la jurisprudence. De l'autre une entreprise qui a l'image de la modernité à la fois par son domaine d'activité, par les technologies qu'elle met en oeuvre, par son internationalité (une quarantaine de nationalités parmi les 1.200 employés de Sophia Antipolis), son rayonnement, sa politique sociale (rémunérations attractives, programme de développement personnalisé, avantages et services mis à disposition de ses salariés, etc.) et son implantation sur la Côte d'Azur. Tous les ingrédients pour une médiatisation de cette dramatique affaire.Les positions des deux parties sont désormais connues. La société Amadeus est formelle : il n'y a pas eu de harcèlement moral à l'encontre de Victoria Binet. Elle le démontre à travers une enquête interne et un audit réalisé par une psychologue clinicienne spécialiste des pathologies du travail. Pour Amadeus, c'est dans l'histoire personnelle et intime de Vicky Binet que la fracture est à rechercher. De l'autre, André Binet, le mari de Victoria, qui a pris la décision avec ses enfants de porter plainte, pour que, "l'entreprise reconnaisse ses responsabilités". Dans la plainte déposée à Grasse, sont ainsi réunis les éléments qu'ils estiment être des "agissements répétés de harcèlement moral". La justice tranchera entre les deux versions.Pour essayer de comprendre un peu mieux ce qui a pu pousser Vicky Binet à se donner la mort en accusant son entreprise, un dossier qui réunit les différents documents : l'audit réalisé par Amadeus et les déclarations de son président Jacques Lignières; les éléments de la plainte déposée par la famille; la lettre de Vicky Binet expliquant pourquoi elle s'était jetée du Pont de la Brague en face des fenêtres de son lieu de travail; les réactions que vous nous avez envoyées par e-mail.Reste bien sûr une interrogation sur laquelle aucun élément n'est apparu : pourquoi ce passage à l'acte ? Pourquoi Vicky Binet, femme remarquable, mère de quatre enfants, a-t-elle choisi en réponse à ses problèmes professionnels, d'effectuer ce "SAUT", ainsi qu'elle l'a marqué en lettres majuscules sur son agenda, à la funeste date du 25 janvier 2003?

Jean-Pierre  Largillet

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