Ahmet Aykaç (Theseus) : la mutation du travail

Posté mer 26/04/2000 - 00:00
Par admin

'En quittant la société industrielle pour celle de l'information, nous allons passer de la relation employeur-employé vers un système de partenariat. Les lois sociales devront s'adapter.'

Spécialisé dans le management par les nouvelles technologies, l'Institut Theseus, à Sophia Antipolis, s'est penché sur le problème du travail et des lois sociales. Son directeur Ahmet Aykaç a même lancé avec d'autres universitaires, un grand programme de recherche sur le changement de nature du travail et des relations dans le travail. Son opinion ? Le cadre actuel des lois sociales va exploser sous les coups de boutoir de la nouvelle économie.- Sophianet.com : qu'est ce qui vous amène à cette conclusion? Ahmet Aykaç :'Regardons les choses en terme de pouvoir économique. Qu'est-ce le pouvoir économique? C'est la capacité d'utiliser le fruit du travail de quelqu'un d'autre. Si je peux prendre le fruit de votre travail, j'ai le pouvoir économique sur vous.Analysons à partir de là ce qui s'est passé depuis l'Antiquité. En Grèce ou à Rome, le système politique était basé sur l'esclavage. C'était la clé de voûte de l'économie. Le but de l'exercice, si nous parlons froidement, était d'optimiser le travail de l'esclave. Ensuite est arrivé le système féodal. Le pouvoir économique a été alors axé sur la possession de la terre. Tout le système légal visait à l'optimisation de l'acquisition de la terre.La révolution industrielle a fait tout basculer vers la possession du capital. Le pouvoir économique n'était plus dans la terre mais dans la possession des moyens de production. Un autre système légal s'est mis en place pour l'optimisation de l'utilisation du capital.Il est clairement visible qu'il existe une relation intime entre le travail et le système social. Si je pose aujourd'hui la question de savoir quelle sera la source du pouvoir économique dans cinq à dix ans, tout le monde répond : l'information et les connaissances. Le système légal va donc devoir se transformer pour permettre l'optimisation de l'acquisition des connaissances.- Qu'est ce que cette entrée dans la société de l'information va changer? Ahmet Aykaç :Le passage de la société industrielle à la société de l'information implique un profond changement de nature du travail. S'il est possible de séparer le capital et les hommes, en revanche, les connaissances et les hommes sont parties intimement liées. Vous pouvez devenir propriétaire des machines et payer des hommes pour travailler sur ces machines. En revanche vous ne pouvez pas devenir propriétaire des connaissances de quelqu'un. Pour cela, il faut devenir son partenaire. Pour avoir accès aux connaissances de quelqu'un, il vaut mieux utiliser d'autres types de relations comme celles qui touchent au partenariat.Les lois sociales actuelles régissent les relations entre le possesseur du capital et le salarié qui n'a que son travail à vendre. Pour être efficace, il faudra passer des relations employeur-employé vers un système de partenariat avec une association dans la prise de décision et un partage des bénéfices, comme des risques. Mais il sera vite impossible de gérer avec les lois d'hier un système dont les bases sont différentes. Les lois vont donc inévitablement changer…- Combien de temps ? Ahmet Aykaç :Il a fallu 600 ans pour que l'église démolisse l'empire romain. L'industrie a cassé le système féodal en cent ans. Le changement profond que nous connaissons aujourd'hui devrait se faire en 20 ou 30 ans. Mais cela fait déjà dix ans que le processus a commencé.Les conseils que vous donnez à vos étudiants ? Ahmet Aykaç :Il y en a deux de primordiaux. Un : bien se mettre dans la tête qu'il faut être mobile. Envisager de rester pendant trente ans dans une entreprise est une erreur monumentale. Et une façon d'être mobile est d'avoir son capital entre les oreilles. Deux : ce capital intellectuel se déprécie plus vite qu'une machine. Il est donc nécessaire de l'actualiser tout le temps….'

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