Business transfrontalier : les Azuréens jouent les timorés

Posté jeu 04/12/2008 - 11:10
Par admin

Business transfrontalier : les Azuréens jouent les timorés

Les chiffres sont têtus : l’Italie tient la place de partenaire de choix pour les Alpes-Maritimes. Premier pays client (avec 23% de parts de marché) et premier pays fournisseur (avec 36% de parts de marché), le business avec la Péninsule est essentiel pour l’économie azuréenne, et vice-versa. Les exportations de la région Paca vers l’Italie représentent près de 3 milliards d’euros pour 2,7 milliards d’euros de CA importé d’Italie. Voilà pour les flux de marchandises.

 

Une certaine frilosité

 

Et les entrepreneurs, alors ? De l’avis de tous, les patrons azuréens peinent - paradoxalement - à franchir la frontière italienne… pourtant si proche. Les plus nombreux à passer le Rubicon restent les descendants de Marco Polo. "Il s’agit avant tout d’une question de culture" avance Veronica Vecchioni, conseillère municipale déléguée aux relations transfrontalières à la mairie de Nice. "L’Italie demeure le pays avec l’une des plus grandes diasporas au monde !"

 

À la chambre de commerce italienne de Nice, son directeur, Agostino Pesce constate "une demande beaucoup plus quantitative de la part des entrepreneurs italiens : ce sont essentiellement des dirigeants de TPE qui tentent l’aventure en France, donc forcément plus nombreux. A contrario, les entreprises azuréennes qui lorgnent sur le marché italien sont plus rares, et plutôt des PME-PMI déjà d’une certaine taille."

 

Comme l’explique "sans langue de bois" l’universitaire Éric Gaspérini, "les représentants des entreprises ou des collectivités locales azuréennes tiennent souvent un discours très positif, très favorable à la coopération, mais bien loin des actions menées par la suite…" À la fois membre élu de la CCI Nice-Côte d’Azur et vice-président de la chambre de commerce italienne de Nice, Gérard-Louis Bosio le reconnaît lui-même : "La volonté politique ne manque pas, ce sont plutôt les projets concrets qui font défaut".

 

Pari gagnant

 

Autre handicap, la formation. "Alors que l’on accueille beaucoup d’Italiens qui viennent apprendre notre langue, très peu de nos étudiants cherchent à se former à l’italien" déplore Éric Gaspérini. "Une attitude plutôt regrettable quand on sait que la province de Cuneo est une des plus riches d’Italie et affiche l’un des taux de chômage les plus faibles du pays." Même remarque de Veronica Vecchioni : "Entre l’Alsace et l’Allemagne, le business a atteint un niveau optimum, mais tout le monde y parle l’allemand !"

 

Jouer la carte de la proximité avec l’Italie peut pourtant s’avérer un pari gagnant: "On y trouve un dynamisme industriel très motivant, qui n’existe pas en France" assure Paul Bezzi, fondateur de l’entreprise cannoise France Hélice. "Cela reste pour moi le meilleur moyen de se lancer à l’international" indique ce dirigeant. Pour d’autres, "cette activité permet de compenser la baisse du marché intérieur français". Rappelons que le PIB du Piémont dépasse les 115 milliards d’euros, que celui de la Ligurie frise les 40 milliards d’euros… alors que les Alpes-Maritimes peinent à atteindre les 30 milliards ! "Le potentiel de business est réel", confirme Veronica Vecchioni. "La province de Cuneo, très tournée vers l’industrie, et le pays niçois, spécialisé dans le tourisme, devraient essayer par exemple de partager leur savoir-faire respectif !"

 

Attention au leurre !

 

"Mais attention, le développement à l’export et la proximité ne doivent pas être des leurres" prévient Christian Tordo, actuel directeur général de Texas Instrument France. "En cette période de crise, ce n’est pas forcément le moment de prendre ce genre de risque…"

 

Loin d’être une solution miracle à la baisse de la demande domestique, l’Italie - notamment du Nord, avec un fort PIB - peut donc s’avérer une cible de choix pour peu que l’on prenne soin "de s’informer au maximum et d’anticiper" reprend Veronica Vecchioni. Et la jeune avocate franco-italienne de conclure: "N’oublions pas que gouverner, même une entreprise, c’est prévoir !"

 

Jean-Christophe Magnenet et Gaëlle Cloarec

 

Retrouvez un dossier complet consacré au business transfrontalier dans le 12e numéro du Journal des Entreprises, en vente en kiosques le 5 décembre.

 

Ajouter un commentaire