Business transfrontalier : les Azuréens jouent les timorés
Les chiffres sont têtus : lItalie tient la place de partenaire de choix pour les Alpes-Maritimes. Premier pays client (avec 23% de parts de marché) et premier pays fournisseur (avec 36% de parts de marché), le business avec la Péninsule est essentiel pour léconomie azuréenne, et vice-versa. Les exportations de la région Paca vers lItalie représentent près de 3 milliards deuros pour 2,7 milliards deuros de CA importé dItalie. Voilà pour les flux de marchandises.
Une certaine frilosité
Et les entrepreneurs, alors ? De lavis de tous, les patrons azuréens peinent - paradoxalement - à franchir la frontière italienne pourtant si proche. Les plus nombreux à passer le Rubicon restent les descendants de Marco Polo. "Il sagit avant tout dune question de culture" avance Veronica Vecchioni, conseillère municipale déléguée aux relations transfrontalières à la mairie de Nice. "LItalie demeure le pays avec lune des plus grandes diasporas au monde !"
À la chambre de commerce italienne de Nice, son directeur, Agostino Pesce constate "une demande beaucoup plus quantitative de la part des entrepreneurs italiens : ce sont essentiellement des dirigeants de TPE qui tentent laventure en France, donc forcément plus nombreux. A contrario, les entreprises azuréennes qui lorgnent sur le marché italien sont plus rares, et plutôt des PME-PMI déjà dune certaine taille."
Comme lexplique "sans langue de bois" luniversitaire Éric Gaspérini, "les représentants des entreprises ou des collectivités locales azuréennes tiennent souvent un discours très positif, très favorable à la coopération, mais bien loin des actions menées par la suite " À la fois membre élu de la CCI Nice-Côte dAzur et vice-président de la chambre de commerce italienne de Nice, Gérard-Louis Bosio le reconnaît lui-même : "La volonté politique ne manque pas, ce sont plutôt les projets concrets qui font défaut".
Pari gagnant
Autre handicap, la formation. "Alors que lon accueille beaucoup dItaliens qui viennent apprendre notre langue, très peu de nos étudiants cherchent à se former à litalien" déplore Éric Gaspérini. "Une attitude plutôt regrettable quand on sait que la province de Cuneo est une des plus riches dItalie et affiche lun des taux de chômage les plus faibles du pays." Même remarque de Veronica Vecchioni : "Entre lAlsace et lAllemagne, le business a atteint un niveau optimum, mais tout le monde y parle lallemand !"
Jouer la carte de la proximité avec lItalie peut pourtant savérer un pari gagnant: "On y trouve un dynamisme industriel très motivant, qui nexiste pas en France" assure Paul Bezzi, fondateur de lentreprise cannoise France Hélice. "Cela reste pour moi le meilleur moyen de se lancer à linternational" indique ce dirigeant. Pour dautres, "cette activité permet de compenser la baisse du marché intérieur français". Rappelons que le PIB du Piémont dépasse les 115 milliards deuros, que celui de la Ligurie frise les 40 milliards deuros alors que les Alpes-Maritimes peinent à atteindre les 30 milliards ! "Le potentiel de business est réel", confirme Veronica Vecchioni. "La province de Cuneo, très tournée vers lindustrie, et le pays niçois, spécialisé dans le tourisme, devraient essayer par exemple de partager leur savoir-faire respectif !"
Attention au leurre !
"Mais attention, le développement à lexport et la proximité ne doivent pas être des leurres" prévient Christian Tordo, actuel directeur général de Texas Instrument France. "En cette période de crise, ce nest pas forcément le moment de prendre ce genre de risque "
Loin dêtre une solution miracle à la baisse de la demande domestique, lItalie - notamment du Nord, avec un fort PIB - peut donc savérer une cible de choix pour peu que lon prenne soin "de sinformer au maximum et danticiper" reprend Veronica Vecchioni. Et la jeune avocate franco-italienne de conclure: "Noublions pas que gouverner, même une entreprise, cest prévoir !"
Jean-Christophe Magnenet et Gaëlle Cloarec
Retrouvez un dossier complet consacré au business transfrontalier dans le 12e numéro du Journal des Entreprises, en vente en kiosques le 5 décembre.
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