Cancer : une avancée dans la maîtrise des effets secondaires des agents anticancéreux
Quels peuvent-être les effets secondaires des agents anticancéreux ? Une équipe de scientifiques, associant principalement le CNRS et lUniversité de Nice, apporte une réponse. Ces chercheurs, qui se sont intéressés au cisplatine, un agent anticancéreux utilisé couramment pour traiter différentes tumeurs, viennent pour la première fois de démontrer in vitro que cet anticancéreux modifie la sensibilité des capteurs de pression cellulaires.
Ce mécanisme entièrement nouveau permettrait de mieux comprendre certains effets secondaires neurologiques du cisplatine qui restaient jusquà présent inexpliqués. Des résultats qui laissent espérer des pistes potentielles pour améliorer la chimiothérapie des composés à base de cisplatine. Il sagit désormais pour les chercheurs de les tester chez lanimal. Ces travaux sont publiés aujourd'hui, vendredi 1er octobre dans la revue Cancer Research. En document ci-dessus, photo prise au microscope électronique montrant la modification de la morphologie membranaire de la cellule (© Pierre Gounon, CCMA Nice).
Les effets neurologiques très pénibles du Cisplatine
Explications. Le cisplatine est une molécule à base de platine très utilisée dans le traitement de plusieurs cancers chez lhomme. Après administration par voie intraveineuse, il pénètre dans les cellules pour former des complexes stables avec la molécule dADN, provoquant ainsi préférentiellement la mort des cellules tumorales, les plus vulnérables. En effet, pour proliférer, les cellules cancéreuses doivent constamment répliquer leur ADN ce quelles ne peuvent plus faire lorsque celui-ci est complexé avec le cisplatine.
Toutefois, ce traitement possède un inconvénient majeur. Certains patients présentent très rapidement, dans la demi-heure voire lheure qui suit linjection, des effets secondaires : troubles de la perception, troubles de laudition, acouphènes et parfois disfonctionnements de loreille interne conduisant à des pertes déquilibre. La pénibilité de ces effets neurologiques peut amener le patient à interrompre le traitement, même si celui-ci est efficace.
Des recherches focalisées sur une action au niveau de la membrane cellulaire
Mieux connaître ces effets secondaires à court terme savère donc primordial. La plupart des laboratoires de recherche sintéresse essentiellement à laction du cisplatine sur lADN. Or, ces effets génotoxiques ne peuvent intervenir très rapidement : ils nexpliquent donc pas les effets secondaires à court terme du cisplatine et des anticancéreux de la même famille. Cest pourquoi léquipe de scientifiques dirigée par Laurent Counillon et Mallorie Poët, chercheurs au sein de lInstitut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Université de Nice) a choisi de se focaliser sur un autre aspect du cisplatine : son action déjà connue au niveau de la membrane cellulaire.
Les chercheurs ont mené leurs expériences dans un système cellulaire modèle. Ils ont alors découvert que le cisplatine, indépendamment de son action sur lADN, est capable de modifier en quelques minutes larchitecture des membranes cellulaires : linjection de cette molécule dans la cellule change sa forme, sa morphologie, sa tension, etc. Or, la membrane cellulaire recèle de nombreuses protéines sensibles à la pression et à létirement. Ces senseurs servent notamment à régler le seuil de déclenchement de la douleur dans les fibres nerveuses périphériques, à percevoir les ondes sonores et la "verticalité" dans le système vestibulaire de loreille (organe de l'équilibre situé dans l'oreille interne).
Prochaine étape : après l'in vitro, des tests sur l'animal
Poussant leurs investigations, les scientifiques sont parvenus à démontrer que le cisplatine perturbe le fonctionnement de ces capteurs mécanosensibles, ce qui expliquerait la survenue des effets neurologiques. Ils ont identifié et décrit un nouveau mécanisme par lequel cet agent anticancéreux agit. Ce processus pourrait ainsi expliquer la survenue des effets secondaires à court terme du cisplatine. Des résultats qui permettent denvisager loptimisation des traitements anticancéreux à base de platine, en les associant à des composés limitant ces effets secondaires à court terme. Les tester chez lanimal est désormais la prochaine étape pour les chercheurs.
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