Club presse 06 : la stratégie de Vladimir Poutine décryptée par Thierry Wolton

"Il fallait écouter Poutine pour comprendre ce qu’il avait l’intention de faire", explique Thierry Wolton dans un entretien publié par le Club de la Presse 06. L'occasion pour cet historien du communisme de porter un éclairage sur un chef du Kremlin obsédé par la gloire de la grande Russie et embarqué aujourd'hui, avec l'Ukraine, dans l'un des pires conflits européens depuis la seconde guerre mondiale.

Thierry Wolton

Un éclairage sur la situation en Ukraine qui nous inquiète et nous consterne tous : celle que donne Thierry Wolton, historien du communisme, dans un entretien avec Paul Barelli, vice-président du Club de la Presse 06. L'occasion pour l'auteur de la monumentale trilogie "Une histoire mondiale du communisme" de décrypter la stratégie de Vladimir Poutine.

"L'admiration qu'il porte à Staline"

"Il fallait écouter Poutine pour comprendre ce qu’il avait l’intention de faire", explique Thierry Wolton. "Peu après son arrivée au pouvoir, au début des années 2000, il déclara que la disparition de l’Union soviétique avait été "la plus grande catastrophe géopolitique du XXè siècle".

"Ce n’est pas tant la reconstitution de l’empire soviétique qui l’obsède, que la gloire de la Russie, qu’elle redevienne la grande nation qu’elle était à l’époque de l’URSS et du glacis socialiste à l’Est de l’Europe", poursuit Thierry Wolton. "Cette nostalgie l’habite. Pour preuve, la réécriture des livres d’histoire sous son règne. Le XXe siècle russe vu par lui se limite à la Grande guerre patriotique, nom donné au Second conflit mondial par la propagande soviétique, appellation qu’il a reprise. En ce temps-là, le pays brillait de tout son prestige pour avoir stoppé l’expansion allemande. D’où l’admiration qu’il porte à Staline."

Pourquoi les volte-face récents de Vladimir Poutine ?

Il a jugé que toutes les faiblesses que montraient selon lui la démocratie (wokisme, genrisme, décolonialisme, cancel culture, etc.)  l’autorisaient à avancer ses pions. "De son point de vue, le moment était venu de passer à l’offensive" estime Thierry Wolton. "Maintenant, il y a une chose que l’histoire enseigne, en tout cas celle du XXe siècle : il ne faut pas sous-estimer la capacité de résistance de la démocratie. La partie qui vient de commencer sera longue, Poutine va sans doute marquer les premiers points, il n’est pas certain en revanche qu’il l’emporte au final, qu’il réalise son rêve de grande Russie."

Les sanctions ? "Tout dépend de leur importance. L’exclusion de la Russie du système bancaire mondial peut compliquer ses ambitions. Certes, la Russie dispose d’importantes réserves monétaires, le gaz et le pétrole peuvent servir d’arme économique notamment vis-à-vis de l’Europe dépendante. Je pense toutefois qu’il a sous-estimé la réaction occidentale, en raison des faiblesses dont j’ai parlé."

"Il est désormais le dos au mur"

"C’est son erreur. Il est désormais le dos au mur : il ne peut pas reculer sous peine de perdre la face, et si la résistance ukrainienne, soutenue par les Occidentaux (livraison d’armes, protection du ciel ukrainien par exemple) freine la progression de l’armée russe, il sera de plus en plus rejeté par le communauté internationale, y compris par ses amis chinois qui ne voudront plus d’un si encombrant allié. En résumé, la plus grande fermeté dans les sanctions est sans doute la meilleure façon de mettre fin à la tragédie actuelle".

 

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