Côte d'Azur : menaces sur la Blue Chip Coast !

Posté lun 20/04/2009 - 12:25
Par admin

Côte d'Azur : menaces sur la Blue Chip Coast  !

La microélectronique va-t-elle disparaître de la Côte d'Azur ? La Blue Chip Coast qui est aujourd'hui l'emblème de la Côte high tech risque-t-elle d'appartenir au passé ? Rien n'est perdu d'avance, heureusement. Mais pour les professionnels azuréens du secteur réunis au sein de l'association SAME, l'heure est grave. Très grave même. La crise qui ballotte depuis quelque mois l'industrie mondiale de la microélectronique ne pouvait qu'atteindre la Côte d'Azur totalement ouverte à la mondialisation. Une crise qui est pour beaucoup la plus sévère que le secteur ait connue et qui menace même d'aboutir à la disparition de toute cette exceptionnelle expertise accumulée au cours des ans à travers l'implantation d'unités de R&D de grands groupes ou le développement de start-ups.

 

La "bombe" Texas Instruments

 

Dans ce secteur de la microélectronique azuréenne, le plan social de Texas Instruments à Villeneuve Loubet a fait l'effet d'une bombe. Dévastateur. D'un coup, un peu plus de 300 emplois supprimés sur quelque 900! C'est énorme. D'autant plus qu'il s'y ajoute près de 300 contrats de sous-traitances. Si l'on tient compte des restructurations chez NXP, des petites entités qui sont en train de fermer comme RF Magic, des incertitudes quant à l'avenir d'Infineon, d'une nouvelle restructuration pour ST-Ericsson (les activités Wireless de NXP, ex-Philips), d'une quinzaine de suppressions de postes chez Icera ou "des réductions de voilure" dans d'autres sociétés, on approche des mille postes supprimés ou réellement menacés sur les quelque 3.000 emplois, principalement microélectronique, de la Côte. Douloureuse saignée.

 

La microélectronique a commencé sur la Côte par IBM et Texas Instruments à la fin des années 50. Mais elle ne s'est diversifiée et développée qu'à partir de 1986-87 avec l'Américain VLSI. Depuis, une trentaine d'entreprises se sont installées sur ce créneau. On y trouve des grands noms comme Infineon, NXP (ex Philips Semiconductors), STMicroelectronics, ARM, l'Indien Wipro après son rachat de Newlogic, des spécialistes moins connus mais leaders mondiaux de conception de chips comme Cadence, Mentor Graphics, Synopsis, ou encore des start-up comme ASK ou Scaleo chips.

 

"Ce qui se passe aujourd'hui est d'une simplicité biblique", remarque Pierre Bricaud, responsable de Synopsys Sophia et, sur un autre plan, de la ferme logicielle de CIMPACA, le Centre intégré régional de microélectronique. "Une des tendances aujourd'hui chez les grands groupes de microélectronique, c'est de ne plus avoir de petites unités de R&D étalées un peu partout dans le monde. Le cas de RF Magic est significatif. La maison mère à San Diego aux Etats-Unis a décidé ainsi de fermer le site de Sophia (une dizaine d'ingénieurs) et le site qu'elle avait en Israël. "

 

"Or à Sophia Antipolis, l'essentiel des entreprises, entre dans ce schéma. Que ce soit ARM dont la maison mère est à Cambridge, Infineon (Munich), Synopsys France (Rungis), TI (Dallas), ST Ericsson (Genève). Mis à part ASK, il s'agit toujours de recherche et développement, sans présence de forces commerciales, ni de production, ni de sièges sociaux."

 

Le cas emblématique de RF Magic

 

D'où une grande vulnérabilité aujourd'hui, à l'heure ou la "fragmentation" est devenue un "gros mot" dans le monde de la microélectronique. Président de Same et responsable du site de Cadence (une soixantaine de personnes), Jacques Olivier Piednoir estime que la tendance d'une disparition de la microélectronique sur Sophia est lourde. "Si la croissance repart, les grosses entreprises iront recruter en Inde principalement. Sur Sophia, ST, Infineon, TI ou autres grands assureront au mieux la stabilité des effectifs. Mais à terme avec l'érosion ce sera une disparition progressive. La seule vraie croissance que nous pourrions avoir est celle des entreprises de seconde génération. Les start-ups qui se développent. Mais depuis quelque temps, il n'y a plus de nouvelles start-ups qui naissent sur la Côte. Nous sommes obligés d'aller les chercher à Montpellier ou à Aix en ce qui concerne la région PACA."

 

Co-fondateur de Insight SIP, Marc Vodovar a beaucoup travaillé au sein de SAME sur cette problématique des start-ups. "Il faut se servir de la crise actuelle que nous subissons, comme d'une opportunité. Des ingénieurs de grande compétence se retrouvent aujourd'hui sur le marché et risquent de quitter la région. Donnons un point d'entrée à ceux qui ont une idée de création d'entreprise et qui souhaitent rester. Aidons les par une action collective à lancer leur start-up et à la développer." Le cas de RF Magic est d'ailleurs emblématique avec une équipe déjà constituée, sur un créneau (celui de la Radio Fréquence) qui reste très porteur.

 

Utiliser le levier du Fonds de réindustrialisation de TI

 

Dans ce contexte que faire ? "Sophia a ses forces et ses faiblesses" analyse Jacques-Olivier Piednoir. "Ses faiblesses nous les connaissons bien. Ce sont des formations pas encore assez développées dans les écoles et l'université. Nous ne sommes pas Grenoble. Il faudrait appuyer nettement sur l'accélérateur en ce domaine. L'absence d'un incubateur dédié à la microélectronique est aussi une faiblesse."

 

"La force de Sophia tient dans les compétences rassemblées et dans le fait que toute la chaîne de valeur est couverte (fondeurs, EDA, intégrateurs, développeurs de logiciels embarqués). Nous avons donc fait la proposition d'un incubateur dédié qui disposerait, dans le cadre de la ferme logicielle CIMPACA des outils pour travailler (des logiciels très sophistiqués et coûteux sans lesquels il n'est rien possible de faire en microélectronique). Nous pourions pour cela utiliser le levier du Fonds de réindustrialisation de Texas Instruments. Pour l'instant cependant nous n'avons obtenu aucune réponse des autorités."

 

"Il faudrait pourtant prendre en compte les nouvelles réalités, plaide Jacques Olivier Piednoir. "Avant la crise, la dynamique des créations suffisait. En l'absence d'aide ou de stratégie, il se passait quelque chose. Désormais il faut agir et, sur le territoire, ce n'est pas seulement d'une agence de promotion que nous avons besoin, mais d'une agence de création".

 

Un débat dont on entendra parler à DATE, le salon de la microélectronique qui s'est ouvert aujourd'hui à Nice Acropolis. A cette occasion SAME et Team Côte d'Azur organisent le 22 avril à 17 heures un workshop sur le thème "Sophia Antipolis face à la crise". L'occasion de parler des forces de la technopole, bien sûr. Mais SAME tient à ce que l'on n'oublie pas ses faiblesses ni l'urgence aujourd'hui d'agir...

 

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