Dominique Pages : la retraite à 45 ans... suivie d'une "deuxième vie"

Posté lun 14/01/2002 - 00:00
Par admin

"De quoi parle-t-on ? De la possibilité offerte à chacun à 45 ans de bénéficier, comme certains militaires, d’une base indemnitaire viagère garantie et de la plus grande liberté de renégocier sa contribution à la Société"

Dominique Pages, fondateur de Technofi, cabinet conseil en stratégie installé à Sophia Antipolis, cofondateur de l'association "Deuxième vie" et de la société Neostart, a lancé depuis plusieurs années une grande réflexion sur l'évolution de la vie professionnelle dans une société en plein changement. Il s'est aussi tout naturellement interrogé sur la retraite et a constaté le gachis auquel aboutissait une mise hors circuit à 60 ans, un âge où, de plus en plus, chacun peut continuer d'apporter une haute contribution à la société.La solution que préconise Dominique Pages et qu'il propose au monde politique est originale : accorder à chacun la retraite à partir de 45 ans. Comme pour certains militaires. Mais cela assorti des plus larges possibilités de continuer une activité, soit avec son ancien employeur, soit sous d'autres formes. L'occasion d'une deuxième chance, d'une deuxième vie. Voici le texte de Dominique Pages sur les "Réflexions et propositions pour un Projet moderne de Société".

La Retraite a-t-elle encore un sens ?A 60 ans, il reste près de 20 à 25 ans à vivre.

Victoire sociale légitime d’après-guerre, la Retraite et l’architecture socialo-financière qui l’accompagne sont devenues aujourd’hui un monstre sociologique qui n’a plus de sens.Comme son étymologie l’indique, la retraite constitue une étape clairement régressive de la vie, au même titre qu’elle illustre une défaite militaire.Mais de quelle régressivité parle-t-on quand on sait qu’à 60 ans, il reste près de 20 à 25 ans à vivre (alors qu’il n’y en avait que 3 à 5, lorsqu’en 1950, on quittait la vie professionnelle à 65 ans) ? La pénibilité et la dangerosité du travail, autres légitimités initiales de la Retraite pour les populations ouvrières, ont de leur coté, fortement régressé.Des seniors de plus en plus actifs. De fait, l’activité –voire l’activisme- des seniors n’est plus aujourd’hui un épiphénomène : leur besoin et leur envie d’utilité sociale vont grandissant et se heurtent à cette muraille artificielle des 60 ans et à la quasi-interdiction que leur fait la société de valoriser cette utilité sociale. Et, même si depuis 15 à 20 ans, la Retraite est devenue l’age d’or de la jouissance (voyages, « pêche à la ligne », consommation de loisirs de toutes natures…) et du bénévolat, grâce à des revenus relativement confortables pour les bénéficiaires, la proportion des « retraités actifs » ne cesse de progresser.Comment en effet raisonnablement programmer de ne rien faire pendant 20 ans ? Et, de fait, nombre de jeunes retraités poursuivent sous diverses formes, plus ou moins légales, plus ou moins rémunérées, des activités socialement utiles avec un enthousiasme, une énergie et une efficacité que l’on ne soupçonne guère (et dont souvent leurs anciens employeurs auraient bien aimé bénéficier !) : ainsi, qui ne connaît pas autour de lui un « bricoleur », un « consultant », un « dépanneur », un « animateur social » qui soit par ailleurs retraité ?Regarder autrement l'organisation sociale de cette partie de la vie. Après 10 ans de faiblesse politique, (lâcheté, manque de vision sur un nouveau contrat social ou archaïsme idéologique ?), il est à présent temps de regarder autrement l’organisation sociale de cette partie de la vie qui commence en fait vers 45 ans.Changements biologiques et physiologiques, prise de conscience concrète de la fin de la vie et de son éloignement (statistiquement, près de 40 ans), cet âge est celui où l’être humain découvre son envie de rayonner et de réaliser vraiment ses rêves. Mais, face à cet élan plus subi que clairement explicité, se dressent deux obstacles quasi rédhibitoires :La peur de l'inconnu et les mirages de la retraite. La peur de l’inconnu pour l’individu habitué à composer avec les attentes de son employeur et à recevoir un salaire et une protection en échangeLa Retraite, sorte d’eldorado lointain (15 ans au moins) qu’il faut mériter en conservant une attitude professionnelle productive mais chaque jour plus frustrante et dont on sait qu’une fois atteint, déclaré socialement inactif et quasiment interdit d’occupation rémunérée, on risque de ne pas avoir le courage ou les capacités à réaliser pleinement ses rêves de quadra / quinquagénaire.Alors, on rumine ses frustrations et l’avenir se mesure en quantités : nombre d’annuités, valeur du point, capitalisation ou répartition, revalorisation des indices.

L’Etat, garant d’un nouveau regard et du contrat social qui l’accompagneNe pas limiter le débat au "quantitatif", type 35 heures.

Les quantités sont commodes pour les politiques, elles économisent de la créativité et permettent d’avoir des joutes médiatiques alimentées par les technocrates et intérêts archaïques de chaque bord. Mais le débat quantitatif (celui des 35 heures l’a illustré) occulte, voire tue, le sens du propos qu’il prétend traiter.Or, il s’agit là de la dignité de l’homme et de sa liberté à contribuer à une société qui lui donne une raison d’être. Cantonner l’Etat dans ce rôle d’apothicaire et de gestionnaire d’indices, sans offrir de cadre nouveau pour accueillir et encourager les énergiques quadra et quinquagénaires à s’exprimer est indigne du rôle qu’on attend de lui et les prétendants actuels aux destinées du pays auraient tort de ne pas en tenir compte, pour peu qu’ils aient une conscience de ce rôle.Un œil quand même sur les chiffres. Mais, puisqu’il faut quand même garder un œil sur les chiffres, parlons de deux questions délicates parce qu’elles illustrent à elles seules le tabou du propos :· 1- A-t-on une idée de ce que les employeurs (publics ou privés) perdent avec la démotivation et la « productivité » globalement décroissante de leurs collaborateurs de plus de 45 ans (alors que leurs salaires continuent de progresser) ?Il s’agit là d’un gisement considérable de ressources financières (salaires nets, cotisations sociales et coûts salariaux indirects) dont la mise à disposition au service de ces énergies individuelles nouvelles constituerait une nouvelle donne pour le contrat social.· 2- Par ailleurs, qui peut raisonnablement prétendre qu’uniformément, une personne de 80 ans (surtout lorsqu’elle a appartenu à une catégorie socio-professionnelle aisée) ait besoin pour sa vie quotidienne de disposer de 70 % du salaire moyen qu’elle percevait entre 25 et 15 ans auparavant ? (N’oublions pas que pour ses besoins maladie elle est par ailleurs prise en charge par le système social).Créer une IMR (Indemnité Minimum de Retraite). Il serait légitime que l’Etat, comme il a su l’inventer pour d’autres catégories sociales, crée une Indemnité Minimum de Retraite (IMR) qui garantisse à chacun dès 45 ans une couverture décente de ses besoins non médicaux. Le surplus serait alors assuré soit par une couverture volontaire complémentaire souscrite par la personne elle-même, soit par les revenus (et leur épargne) tirés de l’activité choisie par ceux qui souhaitent vivre leurs nouvelles envies d’utilité sociale. La ressource financière d’un tel dispositif serait bien évidemment tirée des entreprises dont les collaborateurs quadra/quinqua auraient fait le choix de cette nouvelle activité, leur permettant d’économiser leur perte progressive de productivité.C’est en prenant conscience de cette conjonction entre une attente sociale profonde d’une population croissante de citoyens et des enjeux financiers considérables qui permettraient de la satisfaire sans rompre les équilibres nationaux que nous avons pensé proposer aux hommes politiques, soucieux d’un rôle prospectif et régulateur de l’Etat, de proposer de construire un nouveau cadre social qu’on pourrait symboliquement résumer comme suit :

La retraite à 45 ans ou l’espoir d’une Deuxième VieRenégocier sa contribution à la société à partir de 45 ans

De quoi parle-t-on ? De la possibilité offerte à chacun à 45 ans de bénéficier, comme certains militaires, d’une base indemnitaire viagère garantie et de la plus grande liberté de renégocier sa contribution à la Société soit avec son ancien employeur sous de nouvelles modalités qui respectent sa volonté de rayonnement, soit dans le cadre d’une activité nouvelle dont il aurait précisé les modalités avec le soutien de son ancien employeur. De tels dispositifs, si on devait rentrer dans le détail de leur modalités, ne constitueraient pas de nouvelles dépenses publiques (fiscales ou sociales) mais une redistribution de sommes disponiblesUne telle approche de la question suppose évidemment un changement de regard collectif sur la valeur ajoutée de cette population, changement de regard dont seul un homme politique conscient de son bien fondé stratégique (et pas seulement de l’opportunité dialectique qu’il représente) peut en faire l’objet d’un débat national de fond.ContactDominique PAGES, e-mail : dpages@2emevie.com; tel : +33685311206

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