La société créée par François Helt (photo Une) et Hervé de Canteloube a été liquidée fin septembre. Installée à Sophia, elle apportait une nouvelle technologie numérique exceptionnelle au service de la restauration de films. Mais le marché n'a pas répondu.
Avec Dust Restauration, mise en liquidation à la fin de septembre, c'est une nouvelle icône de la "nouvelle économie" azuréenne qui disparaît. Créée en 1997 par deux professionnels du cinéma, François Helt, Pdg, et Hervé de Canteloube, directeur général adjoin, Dust est l'une des start-up françaises dont la technologie a été le plus primée. Installée au CICA de Sophia Antipolis, Dust avait notamment remporté en juin 1999, le prix "croissance" du premier "Tremplin entreprises" organisé par le Sénat.
Depuis, elle a participé à la restauration ou au traitement de nombreuses œuvres du patrimoine mondial cinématographique : le film culte de Chris Marker "La Jetée", "Les dix commandements", "Le Mépris" de Godard, "Un spécialiste" du réalisateur Eyal Sivan, premier long métrage entièrement réalisé à partir d'images d'archives restaurées du procès Eichmann, etc. L'un de ses derniers contrats réalisés consistait dans le transfert sur film, -une autre de ses spécialités-, du "Corto Maltese" sorti récemment dans les salles.
La fermeture du marché américain après le 11 septembre 2002
La nouvelle de cette liquidation a frappé la technopole qui a déjà perdu bon nombre de ses start-up emblématiques. Cela d'autant plus que Dust était une référence pour son professionnalisme et que toute l'équipe (8 personnes) s'est battue pendant des mois pour tenir le coup dans la crise. Ce qui s'est passé? "Au départ nous avons quelque peu pâti de ne pas être une société Internet " note Hervé de Canteloube. Quant nous avons gagné le prix Tremplin, beaucoup d'investisseurs nous ont contacté et se sont montrés intéressés. Mais ils nous ont demandé si on ne pouvait pas mettre un peu d'Internet dans notre technologie. Aujourd'hui, en revanche, nous sommes assimilés à la nouvelle économie"
Dust a pu cependant lever des fonds. Parti sur des apports de business angels, Dust SA, le laboratoire numérique du futur, spécialisé dans la restauration de films, a finalisé un premier tour de table en mai 2000 : 1,4 million d'euros (9 millions de francs) auprès de trois fonds anglais, américain et japonais. Ce n'était pas énorme, mais c'était suffisant pour pouvoir tenir. L'équipe n'était pas pléthorique et surtout, la société engrangeait déjà des revenus. Le véritable problème s'est posé après le 11 septembre 2001. Quand suite aux dramatiques attentats de New York, le marché américain s'est brusquement fermé, tandis que sur le marché français, la baisse d'activité entraîna une concurrence forcenée.
"Nous avions ouvert une représentation à Los Angeles et nous étions en discussion avec d'importants studios américains. Après le 11 septembre, les Américains firent jouer à fond la solidarité nationale. Notre technologie était reconnue, mais les contrats qui étaient en cours de discussion n'ont jamais pu être signés. Nous n'étions pas une entreprise américaine", se rappelle Hervé de Canteloube. "Sur le marché français, le retrait américain, très sensible pour les films publicitaires, a fait monter la pression de la concurrence. Des studios qui ne travaillaient pas dans notre secteur, se sont rabattus sur tous les travaux qui pouvaient se présenter en cassant complètement les prix. Ainsi, 300.000 euros de contrats ont-ils été perdus durant l'hiver 2001-2002, suite à des surenchères..
Un été 2002 cauchemardesque
L'été 2002, pour toute l'équipe de Dust, restera comme un cauchemar. Tout a été tenté pour sauver Dust tandis que les banques refusaient jusqu'à même lui accorder les crédits recherche auxquels la société avait droit (crédits qui étaient couverts pourtant par l'Etat) sous prétexte qu'elle n'était pas assez solide. Parallèlement à la recherche de nouveaux contrats, les dirigeants ont tenté de concrétiser ce qu'ils avaient déjà cherché au cours de l'année précédente : soit à s'adosser à un grand groupe industriel, soit à revendre la société pour, au moins, préserver l'équipe. Des négociations avec Kodak n'avaient pas abouti. Les dernières en date avaient été menées avec une société canadienne sur des propositions qui, au fil des semaines, baissaient sans cesse jusqu'à devenir impossibles à accepter, ne serait-ce que légalement.
Les actionnaires ne voulant pas remettre de l'argent dans la société, les caisses étant vides et le carnet de commandes dégonflé, il n'y avait guère de solutions : Dust Restauration a déposé son bilan le 18 septembre dernier et entamé la liquidation de suite. Dans le milieu de la semaine dernière, les licenciements sont intervenus et l'équipe s'est dispersée.
Et maintenant? François Helt et Hervé de Canteloube avouent qu'après des mois et des mois d'âpre bataille, ils sont sonnés. Dust SA, la holding, qui porte la technologie, peut certes encore être revendue à un groupe industriel. Mais l'aventure qui a duré cinq ans est terminée. En dépit d'une technologie numérique remarquable, Dust n'aura pas pu trouver un accès au marché et lever les verrous que les studios existants avaient réussi à poser. Vraiment dommage.