Fête de la Science : les pouvoirs insoupçonnés du ballon rond (Inria)

Rendez-vous ce week-end à Terra Numerica à Sophia Antipolis près de la place Bermond. Chercheurs et chercheuses, doctorants et doctorantes, enseignants et enseignantes, médiateurs et médiatrices issus du monde associatif, vous feront vivre le numérique. Parmi les animations, l’atelier Ballon rond. Présenté au Musée National du Sport à Nice, il a inspiré Claire Betis, nouvellement arrivée à Inria Sophia.

Terra numerica Ballon

Ce week-end à Terra Numerica @Sophia, les médiateurs du CNRS, d’Inria et d’Université Côte d’Azur vous font vivre les sciences du numérique à pleines mains. Parmi ce qui est proposé, l’atelier Ballon rond. Il rentre d’un séjour remarqué au Musée national du sport à Nice et a particulièrement inspiré Claire Betis, nouvellement arrivée à Inria Sophia. Même les hologrammes ont salué sa performance sur le terrain a-t-elle remarqué dans une réflexion scientifique sur ce ballon qui n’est pas forcément si rond qu’il en l’air. Voici son texte.

(Photo DR : à gauche Michel Cosnard et Dorian Mazauric -Inria- animent l'atelier Ballon 3D ; à droite, gros plan sur l'écran d'analyse et de contrôle de l'écran sphérique, autre petit bijou technologique).

Le ballon rond n’est pas aussi rond qu’il en a l’air

La nouvelle a de quoi réjouir les rugbymen en pleine période de coupe du monde : le ballon rond n’est pas aussi rond qu’il en a l’air. Voilà un scoop qui devrait faire grand bruit lors d’une autre grande célébration de ce mois d’octobre 2023 : la Fête de la Science. C’est d’ailleurs un ballon de foot, et pas n’importe lequel, qui a attiré tous les regards réunis pour le grand lancement national de cette 32e édition au Musée national du Sport à l’Allianz Riviera de Nice mardi 26 septembre. Un écran sphérique interactif donnait à explorer bien davantage que le rond de cuir sous toutes ses coutures : une plongée fascinante dans l’histoire des maths et de l’informatique, de Platon à Adidas en passant par le jumeau numérique cardiaque. Le ballon de foot serait-il doué de quelque don pédagogique pour rendre les sciences accessibles au grand public ?

ChatGPT, consulté en douce juste avant l’atelier, m’a confirmé l’info : « le terme "ballon rond" est souvent utilisé pour désigner un ballon de football, conçu pour être aussi rond que possible. Mais en réalité, aucun objet n'est parfaitement rond dans un sens absolu. »

Mais alors, si le ballon n’est pas rond, quel est son nom ? La réponse, c’est Michel Cosnard qui nous la donne en manipulant l’écran sphérique à la façon d’un héros de science-fiction. Ancien PDG d’Inria, l'institut national de recherche dédié aux sciences et technologies du numérique, ce retraité émérite continue de revêtir son polo Terra Numerica plusieurs fois par mois. Sa motivation ? Donner envie aux jeunes de se passionner pour le numérique et d’aborder la science comme lui-même l’a vécue tout au long de sa vie de chercheur : une aventure extraordinaire à la portée de tous. Mais revenons à la surface de réparation. Si j’en crois le point de vue purement scientifique de Michel, pour une belle bicyclette retournée en pleine lucarne, rien de tel qu’un bon coup de pied dans icosaèdre tronqué.

Icosa quoi ?

« Icosa » pour « vingt », et « èdre » pour « face » en grec ancien : un des seuls polyèdres réguliers inscriptibles dans une sphère, l’icosaèdre fait partie des cinq solides de Platon. Si le terme semble a priori manquer d’aérodynamisme, c’est pourtant bien à lui que Zizou doit les plus belles roulettes. Car voyez-vous, si le ballon était parfaitement rond sans accroche aucune, il ferait le désespoir de tous les crampons. Les variations de trajectoire seraient telles qu’il deviendrait impossible de le contrôler ou de lui donner le moindre effet. La faute à un épineux phénomène de science physique répondant au doux nom de « crise de traînée ». Bref, demandez aux gardiens de but ce qu’ils ont pensé du cas « Jabulani », ce ballon un peu trop lisse dessiné pour la coupe du monde d’Afrique du Sud en 2010, les savonnettes qu’ils lui doivent hantent encore leurs pires cauchemars. 

Celui qui restera dans les annales de l’aérodynamisme, c’est le ballon conçu par les ingénieurs d’Adidas pour la coupe du monde au Mexique de 1970. Leur défi consistait alors à trouver la forme géométrique la plus proche de la sphère, répondant aux normes draconiennes de la FIFA tout en permettant une meilleure visibilité du ballon sur les télés en noir et blanc. Le résultat, je jure que je suis capable de le dessiner tant le monde entier le connaît : le ballon Telstar, avec ses polygones blancs et noirs, n’est-il pas l’icosaèdre le plus célèbre de toute l’Histoire ? 

Un polygone à vingt faces, donc. Facile : si je juxtapose des hexagones comme les tomettes qui recouvrent le sol de la cuisine de ma grand-mère, je devrais bien finir par paver la sphère. C’est là que surgit l’homme en noir, Michel Cosnard, carton jaune à la main. Non, me dit-il, il est impossible de paver la sphère comme on pave le plan. Il existe même un théorème pour ça mais je m’arrêterai là pour garder le suspense entier.

Surprenant ballon de foot ! Qui eût cru en effet que ce petit objet du quotidien m’ouvrirait aussi grand les portes de la connaissance en me faisant voir le monde autrement ?

Des mailles partout

En nous apprenant à voir le réel à travers les lunettes du mathématicien, le ballon rond nous apprend du même coup à « penser numérique », à voir comme l’ordinateur voit : à l’aide de modèles mathématiques eux-mêmes créés par des scientifiques. Bref, le maillage polygonal est partout. Agrandissez une imagerie médicale 3D et vous verrez une savante imbrication de solides de Platon. Dans un jeu vidéo, là où mon œil voit une armée de trolls s’élancer à l’assaut d’un château fort, l’ordinateur traite en réalité un maillage de minuscules polygones et de leurs mouvements sur le plan. Le crâne déformé du fossile Arcovenator vieux de 75 millions d’années ? Patiemment reconstitué par les archéologues à l’aide de petits polyèdres réguliers.

Dans les centres de recherche aussi, les scientifiques maillent la sphère tous les jours pour repousser toujours plus loin l’horizon de l’ingénierie, de la médecine de l’astronomie ou encore de la biologie. C’est le cas par exemple de l’équipe-projet Titane au Centre Inria d’Université Côte d’Azur, qui modélise des villes en 3D à partir d’images satellites et développe de nouvelles façons de faire la géométrie algorithmique. Grâce au maillage, l’ordinateur devient aussi un outil d'investigation au même titre qu'un microscope, permettant de mieux déchiffrer le vivant.

On pense notamment aux travaux des scientifiques Morpheme, équipe commune i3S (CNRS-Inria-Université Côte d'Azur), qui permettent de comprendre les changements morphologiques d’une cellule en développement. Il y a aussi ceux qui développent des jumeaux numériques du cœur humain (Epione) ou une intelligence artificielle s'appuyant sur l'analyse topologique de données (DataShape & Fujitsu) pour améliorer la détection précoce, le diagnostic et le traitement des maladies cardiovasculaires. Ces quelques exemples d’avancées technologiques récentes ont tous pour point commun le maillage polygonal comme base de calcul.

Tous à Terra Numerica !

Vous l’aurez compris, c’est bien plus qu’un ballon de foot que vous êtes invités à venir explorer en famille ou entre amis ce week-end au Village des sciences du numérique de Terra Numerica, ouvert au grand public samedi de 14h à 18 et dimanche de 10h à 17h. Chercheurs, doctorants, enseignants et médiateurs issus du monde associatif : toutes et tous revêtiront pour l’occasion leur polo Terra Numerica pour vous faire expérimenter le numérique à pleines mains à travers moult jeux et ateliers interactifs qui feront la joie des filles comme des garçons. Aux sciences, citoyens, et tous sur le terrain !"

Claire Betis

Ajouter un commentaire