France/Italie, les ratés de la libre circulation

Posté mar 19/04/2011 - 10:32
Par admin

OPINION. Face à une Europe aux abonnés absents, la France et l'Italie ferraillent devant l'afflux de réfugiés d'Afrique du Nord à Vintimille. Si la frontière franco-italienne est à nouveau ouverte, le problème est loin d'être résolu.

Le train de la dignité est resté bloqué en gare de Vintimille. Parti de Gênes, dimanche 17  avril, à 9h, avec à son bord des militants des droits de l’homme, ses voyageurs ont fini à pied sur la voie. La libre circulation s’applique aux marchandises. Les causes humanitaires n’ont pas ce privilège, elles se heurtent à la frontière aux cordons de CRS.  Devant la télévision, on applaudit au printemps arabe. Mais le reality show des frêles esquifs chargés de réfugiés à l’assaut des côtes européennes ne fait pas recette. Ils ont débarqué en Italie, qu’ils y restent. L’Europe de Schengen est bien décidée à faire la sourde oreille.

A quoi bon militer pour prolonger la LGV Paca vers l’Italie et rapprocher Nice de Gênes si, face à un sérieux problème, se dressent à nouveau barrières et interdits. Samedi pourtant, avec Gaetano Scullino, le maire de Vintimille, une vingtaine de réfugiés, dotés du précieux sésame, un titre de séjour temporaire délivré par les autorités italiennes, a pu franchir la frontière et rejoindre la gare de Menton. Dimanche, le train a fini sur une voie de garage. Le trafic à la frontière franco-italienne a été suspendu. Lundi, la voie était à nouveau libre pour tous ceux qui étaient en règle.

Que fait l’euro-région Alpes-Méditerranée ?

Nous sommes paraît-il au cœur d’une euro-région, Alpes-Méditerranée, portée sur les fonts baptismaux en 2008. Infrastructures de transport et mobilité font partie de ses priorités. N’était-ce pas le moment pour les politiques, de part et d’autre de la frontière, de travailler ensemble à chercher des solutions plutôt que de s’arquebouter sur les sacro saintes règles du maintien de l’ordre public ?

Les régions frontalières Ligurie, Piémont et Val d’Aoste ont répondu favorablement à l’appel du gouvernement italien pour accueillir des réfugiés qui ne trouvaient plus leur place sur une île de Lampedusa complètement submergée. Non sans réticences sur place. A Gênes, l’un des bâtiments retenus pour loger ces réfugiés a été incendié. A Vintimille, des coups de feu ont été tirés sur l’ancienne caserne des pompiers, reconvertie en centre d’accueil, où 150 réfugiés sont hébergés. Et les commerçants de la cité frontalière multiplient les pressions sur les autorités. Ils craignent, à quelques jours des fêtes de Pâques, de voir les touristes bouder leurs boutiques. Mais l’Eldorado français reste inaccessible à ces quelques centaines de Tunisiens qui espèrent y rejoindre des proches.

Bien sûr la vieille Europe n’a pas vocation à accueillir toute la misère du monde. Mais elle paie aujourd’hui le prix de la frilosité et du repli sur soi. Le sud de la Méditerranée s’éveille. Le chemin qui conduit à la démocratie et au développement sera semé d’embûches. Soutenir ces jeunes peuples, afficher à leur égard une solidarité concrète n’est-elle la voie la plus sûre pour ne plus les voir tentés par une fuite sans issue dans la clandestinité ? De leur avenir dépend le nôtre. Les rejeter, c’est nous perdre, choisir de construire avec eux, c’est renouer avec la confiance en l’avenir.

Christiane Navas

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