Institut Eurécom : Christine Lisetti réconcilie informatique et émotions
Professeur au Département Communications Multimédia à Eurécom, école d'ingénieurs de Sophia Antipolis, Christine Lisetti (photo Une) a monté un groupe de recherche sur l'Informatique Affective, discipline qui s'intéresse à l’état émotionnel de l’utilisateur dans l’interaction avec les systèmes.
Emotion et informatique, cela semble deux notions totalement étrangères. Irréconciliables. Ce sont pourtant ces deux notions qui sont réunies dans une discipline nouvelle en pleine expansion aux Etats-Unis : l'informatique affective (Affective Computing). Un domaine interdisciplinaire que connaît bien Christine Lisetti qui a contribué à le faire émerger. Professeur du Département Communications Multimédia de l'Institut Eurécom à Sophia Antipolis, elle a monté un groupe de recherche sur ce sujet au sein de son département.Améliorer l'interaction homme-machineCe que recouvre ce terme d'informatique affective ? "Il s'agit de prendre en compte le rôle des émotions dans la cognition afin d'améliorer l'interaction homme-machine", explique Christine Lisetti. "Aprés mon doctorat en informatique aux Etats-Unis, pendant mon post-doctorat à l'Université de Stanford, j'ai voulu étudier le rôle des émotions dans la cognition et j'ai obtenu un poste joint entre le département d'informatique et de psychologie. Nous étions alors une poignée dans le monde à nous intéresser à ce problème et nous avons organisé des conférences sur ce sujet. Aujourd’hui, c’est un domaine de recherche établi qui fait l’objet, entre autre, d’appels à projets internationaux, d’issues spéciales dans des revues techniques, tandis que la première conférence internationale en Informatique Affective aura lieu cette année…en Chine!""L'intérêt de cette discipline ? Il est multiple. De plus en plus, les nouvelles technologies sont présentes dans notre vie quotidienne, mais n'ont pas le volet interface qui rend la technologie plus abordable pour l'usager. L'informatique affective, en améliorant l'interaction homme-machine, aide à faire en sorte que les ordinateurs s'adaptent à l'homme et non l'inverse. Son intérêt peut également être trouvé dans des domaines comme la sécurité dans les transports. Il est possible d'imaginer par exemple des capteurs qui fassent remonter vers un ordinateur des données physiologiques (battements du cœur, tension, réponse galvanique de la peau, température du corps) et qui permettent de donner l'alerte en cas de signes de fatigue ou de stress du conducteur. L'informatique affective peut être utilisée aussi en télémédecine pour monitorer des patients à distance et améliorer leur qualité de vie, ou encore dans le e-training avec la mise en place d'avatars ayant des capacités d'intelligence sociale pour adapter leur rythme et style d’enseignement à l’état émotionnel de l’étudiant, à son attitude ou sa personnalité."La robotique, un des grands domaines d'applicationUn autre des domaines d'avenir de l'intelligence affective se trouve dans la robotique. "Je reviens des Etats-Unis où j'ai visité le Centre de Robots pour la Recherche et le Sauvetage Urbain à l’Université de South Florida avec lequel je collabore", explique Christine Lisetti. "Des robots ont été conçus pour assister les pompiers et les médecins dans des situations de catastrophe difficiles d’accès aux humains. Encore faut-il que, pour que les missions soient réussies, les robots ne viennent pas effrayer encore un peu plus des victimes déjà traumatisées parce qu'elles ont subi. Il faut donc que ces robots puissent interéagir avec des modes d'expression que les humains comprennent facilement. Autre type d'utilisation : l'envoi d'équipes mixtes humains-robot dans l'exploration de Mars par la NASA avec laquelle je collabore sur un projet de simulation d’activités humaines. Ces robots doivent être capables de percevoir l'état affectif de l'astronaute humain et de communiquer avec les autres membres de l'équipage."Les exemples d'utilisation de l'intelligence affective pour la construction de robots pourraient être multipliés. Les robots vocaux, au téléphone, pourraient reconnaître et s'adapter à l'état émotionnel de la personne qui appelle. Savoir si elle est en colère, si elle panique, stresse, est triste, etc. et adapter sa réponse en conséquence.Un groupe de recherche en Informatique Affective à EurécomA l'Institut Eurécom depuis son retour des Etats-Unis voilà un an, Christine Lisetti, niçoise d'origine, donne des cours en informatique affective pour la filière "Multimédia", et l’Ecole Polytechnique Universitaire (EPU) de Nice Sophia Antipolis pour la filière « Interface Homme-Machine » ainsi que pour le Master commun avec l’Université de Nice Sophia Antipolis. Elle termine la mise en place de son groupe de recherche grâce à des subventions de la Commission Européenne avec un Marie-Curie International Réintégration Grant, des subventions de la Région Provence Côte d’Azur dans le cadre du PACALab, ainsi que des subventions de projets nationaux. Le groupe de recherche en Informatique Affective Eurécom dirigé par Christine Lisetti est constitué d'un thésard, d'un ingénieur de recherche post-doc et de deux stagiaires, et se prépare à accueillir à la rentrée de septembre deux thésards, un ingénieur post-doc, et deux autres stagiaires.Le département Communications Multimédias d'Eurécom intéresse Christine Lisetti d'autant plus qu'une équipe y travaille sur la modélisation du visage, une autre sur la modélisation de la voix et une troisième sur l'indexation vidéo. La prise en compte de ce phénomène multimodal humain que sont les émotions vient donc s'insérer dans les travaux du Département. D’autre part, Christine Lisetti a aussi commencé des collaborations avec des chercheurs du Laboratoire I3S CNRS à Sophia-Antipolis, notamment avec des experts sur les battements du cœur et la respiration – des signaux physiologiques très liés aux émotions.De plus, le nouveau Laboratoire des Usages du prochain Campus STIC – Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication – en phase de création, qui s’intéresse à la conception et utilisation des nouvelles technologies de l’information, offre de nombreuses possibilités pour étudier des problèmes touchant en parallèle au développement de la technique et à son utilisation. La technopole de Sophia Antipolis représente donc un environnement très propice au développement de tout un programme de recherche et d’enseignement en Informatique Affective.