La tribune de Guillaume Pertinant : "conduite du changement ou changement de conduite ?"
Et si la conduite du changement ne devait pas avant tout passer par le changement de notre conduite : c'est la conclusion de Guillaume Pertinant, qui s'est interrogé sur l'évolution du travail à l'heure de l'incroyable accélération de l'ère Internet. Consultant et formateur installé à Sophia, Guillaume Pertinant se passionne pour l'accompagnement de projets d'amélioration des conditions de travail. Il s'intéresse en particulier à la prévention du stress, de l'absentéisme et de la démotivation ainsi qu'au chiffrage de leur coût économique pour l'entreprise. Voici ses réflexions sur la conduite du changement.
Conduite du changement ou changement de conduite ?
Soudainement le temps sest accéléré, distordu. Une accélération si rapide et tellement euphorisante quelle a séduit jusquaux gardiens du sacro-saint principe de précaution. Alors quil fallait plusieurs mois au début du XXème siècle pour traverser locéan et négocier un contrat à New York, une demi-seconde suffit désormais pour envoyer une proposition commerciale de Paris à Pékin. Les limitations technologiques et les barrières commerciales sont tombées, la liberté est à portée de clavier, lhomme est un génie.
A posteriori, des faits divers choquants et des statistiques récurrentes nous proposent cependant une autre lecture de cette évolution. Suicides sur le lieu du travail, troubles de ladaptation, épidémie de dépressions et épuisements professionnels se multiplient en France et ailleurs. Avez-vous parlé de votre "burnout" à votre grand-mère ?
"Dans un monde globalisé, il faut courir pour survivre" (Joseph Stiglitz, prix Nobel déconomie)
Courir pour survivre, est-ce là notre destin ? Courir dans la réalité du monde du travail, signifie faire plus avec moins, évoluer et sadapter continuellement au changement. Mais vitesse accrue signifie également vigilance décuplée et prise de risque majorée, demandez aux pilotes.
Ainsi le nouveau crédo du manager est désormais la conduite du changement. Les collaborateurs doivent sadapter (vitesse, précision et enthousiasme exigés sil vous plait) aux changements de stratégie des concurrents, à la volatilité des fournisseurs, aux nouvelles règles réglementaires, aux évolutions technologiques. Mais comment lutter contre la résistance au changement quand cette dernière est causée par notre épuisement ? Comment sadapter alors que la résistance est chez les êtres humains une réponse naturelle à lincertitude par ailleurs désormais généralisée? Cest notre être tout entier et ses mécanismes de défense innés qui semblent désormais refuser la course infernale.
Ivres de ce progrès qui flatte nos sens et notre satisfait désir de possession, nous avons oublié de nous poser une question, pendant combien de temps pouvons-nous encore "courir" ? Plus très longtemps sans doute, puisque ladaptation au changement a ses limites, celles de notre corps. Non pas que ce dernier ne sache sadapter, mais lévolution sobserve à léchelle de siècles et non à la cadence survoltée de linternet.
Quelle autre voie alors? La réponse semble simple, si simple. Observons combien cette notion dadaptation au changement relève la pure schizophrénie, puisque cest lesprit de lhomme qui est à lorigine de ces changements qui sollicitent tant nos capacités dadaptation. Nous souffrons de ne plus pouvoir nous adapter aux changements que nous avons nous mêmes désirés, imaginés, conçus. Au rythme où vont les choses il est plus que probable que la conduite du changement ne doive avant tout passer par le changement de notre conduite.
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