Combien va coûter la lutte contre les "villes flottantes" ? C'est la question qu'a mise en avant immédiatement Villefranche-sur-mer, commune la plus touchée par l'arrêté signé en janvier par Christian Estrosi, président de la Métropole Nice Côte d'Azur pour limiter drastiquement la présence de gros paquebots dans la baie à partir du 1er juillet 2025. Combien ? Les chiffres sont désormais sur la table : 7,5 M€ cette année et 14 M€ en 2026, cela en tenant compte de l’arrêté, édulcoré en mars, fixant l’interdiction aux navires de croisière de plus de 2.500 passagers avec une limite d’un bateau par jour et 65 escales par an. (Photo DR : paquebot en baie de Villefranche-sur-mer).
Les estimations de la CCI Nice Côte d'Azur
A la demande de la Métropole, la CCI Nice Côte d’Azur, bien outillée pour ce type d’études économiques, a planché et rendu son verdict hier. Pour l’année 2025 “avec 78 581 passagers représentant une réduction du nombre de croisiéristes de 50% à Villefranche-sur-Mer, et un nombre d’escales réduit à 60 au lieu des 88 prévues, l’impact économique total est estimé à 7,5 millions d’euros en année pleine. Il et se répartit comme suit :
- Les pertes financières directement liées aux dépenses des croisiéristes sont estimées à plus de 4,2 millions d’euros.
- Les pertes financières liées aux redevances et taxes versées par les compagnies de croisière atteignent 535 000 euros.
- L’impact sur les activités économiques locales est estimé à près de 2,7 millions d’euros."
Pour l’année 2026 “avec 78 096 passagers représentant une baisse de 75% du nombre de croisiéristes à Villefranche-sur-Mer, et un nombre d’escales réduit à 65 au lieu des 123 prévues, l’impact lié aux dépenses des croisiéristes ainsi qu’aux redevances et taxes est estimé à environ 14 millions d’euros (hors impact sur les activités économiques locales)”. Le port de Nice, serait touché, mais beaucoup moins affecté par une limitation à 450 passagers : 643.000€ en 2025 et 1 M€ en 2026.
L'Union Maritime et les commerçants de Villefranche veulent le retrait de l'arrêté
Suite à la publication de cette étude, l’Union Maritime 06 (UM06) et l’Association des Commerçants de Villefranche-sur-Mer (COSEDEV) n’ont pas manqué de réagir. Pour ces associations, les chiffres mettent “en lumière l'ampleur des conséquences économiques qu’auraient de potentielles restrictions économiques telles que celles proposées en janvier par la Métropole Nice Côte d’Azur. En effet, les pertes estimées en cas de limitation dépasseraient largement les projections initiales prévues par l'UM06 et soulignent l'importance de ce secteur pour l'économie locale.”
Elles ajoutent qu'à l'impact financier estimé par la CCI, viennent s’ajouter des retombées indirectes et avancent le risque de recours indemnitaires de la part des compagnies de croisière, risque pouvant se chiffrer à plusieurs millions d’euros. “Ramené à chaque passager faisant escale sur les ports de la Métropole, cela aurait représenté en 2025 une perte de 100 €/passager”.
Aussi dans un communiqué commun,l'UM06 et l’Association des Commerçants de Villefranche-sur-Mer maintiennent leurs positions. Elles “réaffirment que les seuils d'interdiction qui avaient été envisagés ne s’appuient sur aucun élément objectif, tant sur le plan économique que social. La proposition imaginée en janvier dernier d’un seuil arbitraire à 2 500 passagers par jour à Villefranche-sur-Mer pénaliserait les navires les plus récents et donc performants sur le plan environnemental, ce segment de taille incluant en pratique les navires les plus anciens".
"Les acteurs économiques locaux soutiennent le maintien du cadre existant qui est d’ores et déjà exigeant avec une capacité limitée à 3 500 passagers et une escale par jour sur Villefranche et saluent, le 7 mars dernier, le retrait de l’arrêté d’interdiction métropolitain”.
Christian Estrosi : les grands événements plutôt que la croisière“L’étude de la CCI évalue les impacts directs et indirects en matière économique, mais oublie de prendre en compte la récente étude réalisée par ATMOSUD sur l'impact de ces mêmes croisières sur la qualité de l'air et la santé publique des habitants de la Métropole. Le prisme économique ne peut pas être le seul critère de décision” réplique Christian Estrosi ce jeudi matin dans un communiqué. "L’étude d’ATMOSUD a mis en avant qu’en ce qui concerne la ville de Villefranche-sur-Mer, le secteur du maritime représente le principal émetteur d'oxydes d'azote, avec 48 tonnes chaque année, soit 71% du total des émissions sur la commune. Elle souligne par ailleurs que depuis 2015, les émissions des croisières sont en augmentation de 25%, avec des panaches de fumée touchant lors d'une même escale, Nice, Villefranche, Beaulieu et Saint-Jean-Cap-Ferrat. Tout cela a évidemment des conséquences pour la santé des habitants.” Il rappelle aussi que la technopole a fait le choix de l’accueil de grands évènements internationaux dont les retombées dépassent largement le chiffre avancé par l’étude de la CCI. “A elle seule, l'arrivée du Tour de France le 21 juillet 2024 a généré 60 millions d’euros de retombées économiques ; l’Etape du Tour, le 6 juillet 2024 c’est 37,3 Millions d’euros. En 2023, la Coupe du Monde de rugby a généré 148 Millions d’euros dont 134 liés aux visiteurs étrangers ; l’Ironman c’est 22,5 millions d’euros de retombées économiques. L’Euro 2016 avait généré 177 Millions d’euros sur 3 semaines. Quant à l’événement le plus récent, le Carnaval de Nice, il a rapporté cette année près de 35 Millions d’euros de retombées économiques.” Et de souligner qu’en regard, ”la croisière ne génère pas plus de 4% du flux touristique annuel, une part marginale qui ne bénéficie pas directement à notre hôtellerie, et avec des retombées limitées sur la restauration. L'essentiel du budget d'un croisiériste est capté par les compagnies de croisière avec des offres "all-inclusive". Les clients des très grands navires restent peu de temps et ne vont pas dans les hôtels azuréens”. Le débat croisières-grands événements est ouvert. |