MuCEM à Marseille : la fascination en noir et bleu

Posté jeu 22/08/2013 - 09:21
Par admin

Ouvert le 7 juin en point d'orgue de "Marseille, capitale européenne de la culture 2013", le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée a été plébiscité avec plus de 500.000 visiteurs en moins de trois mois. Journaliste au "Corriere della Sera", Chiara Sottocorona a été fascinée par cette œuvre architecturale posée face à la mer, "comme un navire immobile". Elle a rencontré l'architecte Rudy Ricciotti. Il explique comment a été imaginé un bâtiment "qui parle à la terre, à la mer, au ciel et au vent".

MuCEM à Marseille : la fascination en noir et bleu

Le MuCEM posé face à la mer comme un bateau immobile et relié à la terre par une passerelle (Photo Chiara Sottocorona comme l'ensemble des photos de cet article).

"Le Noir et le Bleu". Ces couleurs évoquent  de manière symbolique la Méditerranée, comme l’envers et l’endroit d’une même réalité, faite d’Ombre et de Lumière, de Souffrance et d’Espoir. A ces thématiques, qui ont jalonné l’histoire des peuples des rives du "Mare Nostrum" comme l’appelaient les anciens Romains, est dédiée une remarquable exposition cet été au MuCEM, le tout nouveau Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Situé à l’entrée du Vieux Port de Marseille, à côté du séculaire Fort Saint Jean et relié à sa Tour par une passerelle aérienne, le MuCEM au bout du quai se trouve face à la Mer : un bâtiment de rêve, posé comme un navire immobile, pour accueillir les navigants et inviter les terriens au voyage.

Le Noir et le Bleu symbolisent autant le contenu que le contenant

Vu de loin le MuCEM apparait comme une grande silhouette noire qui se dessine sur le bleu de la Méditerranée. Vu de près, le bâtiment élevé sur l’ancien môle portuaire J4 montre au contraire toute sa légèreté et se révèle une authentique prouesse architecturale réalisée en béton et verre. "Un ciment réduit à la peau et les os, éloge du dense et du fragile" comme le décrit son auteur, l’architecte Rudy Ricciotti. Les parois "en dentelle", fines arabesques dessinés dans le ciment, laissent filtrer la lumière et apercevoir le paysage, la ville.

Plus on s’approche plus on est fasciné par les jeux d’ombres et les reflets de l’eau qui traversent ces murs percés, tricotés comme une mantille, ou un filet de pêche. D’où est venue l’inspiration ? "En réalité la référence est la partie cachée du site, est dans la nature", nous révèle l’architecte Ricciotti. "J’ai imaginé de découper le fond rocheux et de le mettre en verticale".

Rudy Ricciotti avait promis "un projet qui parle à la terre, à la mer, au ciel et au vent"

C'est la promesse qu'avait faite Rudy Ricciotti lors du concours gagné en 2002 avec son associé Roland Carta. La commande venait du Ministère de la Culture pour ce premier Musée National décentré en région. "Il y a 11 ans j’ai commencé à travailler dans l’anxiété. Je n’ai pas souhaité coloniser Marseille avec de la mythologie anglo-saxonne, les effets de la globalisation me dégoutent. Donc un projet réactif à son territoire", explique Riccciotti.

"Quand on regarde ce qui le bâtiment (la masse historique du Fort Saint Jean, la façade minérale de Marseille écrasée par la lumière, la puissance du Vieux Port et au Sud l’horizon), dans cette magie du territoire il fallait être dans la dématérialisation pour laisser le paysage nourrir l’architecture. Donc j’ai pensé à un parcours ascensionnel à zigzag de la terre au ciel. Une ballade initiatique. Et le succès populaire de ce lieu provient du partage du territoire".

La barre des 500.000 visiteurs dépassée en moins de trois mois

Les chiffres parlent : plus de 500.000 visiteurs de l’ouverture le 7 juin au début d’août. Bien au-delà  des prévisions de 300.000 visites pour la fin de l’année. Les entrées aux expositions ne sont que 80.000, ce qui attire le grand flux des visiteurs est le site, où on peut y déambuler en accès libre et sans parcours imposés. "Je crois que les gens perçoivent un travail de maçon, d’ingénieur, pas seulement d’architecte. On a fait 6.000 pages d’études, rien que pour les structures en vertical, les poteaux arborescents et la passerelle comme muscle puissant. Tout cela vient de la mathématique, produit de la grâce et de la poésie", nous confie Ricciotti.

"Plus l’innovation du béton : 13 fois sur ce chantier on a inventé, réalisé des premières mondiales, déposé des brevets. La simplicité et la dématérialisation apparente reposent pourtant sur une matérialité forte et maîtrisée. Cela tient à l’emploi du béton dans sa forme la plus innovante et technologique : le BFUP, béton fibré à ultra-haute performance. Un savoir-faire français, local, et des entreprises hautement qualifiées pour la mise en œuvre comme Freyssinet, Dumez, Vinci, Lafarge".

La première grande réalisation d'un Musée National en région

Si l’œuvre de Rudy Ricciotti et Roland Carta est le cœur du MuCEM et de ses collections, avec une superficie de 15.500 m2 (y compris la terrasse et l’Auditorium bâti sous la mer), l’ensemble du nouveau site sur un espace de 44.000 m2 comprend la Villa Méditerranée, élégant édifice tout blanc dessiné par l’architecte italien Stefano Boeri, la réhabilitation du Fort Saint Jean réalisé par François Botton, architecte en chef des Monuments Historiques, et le Centre de Conservation et des Ressources, qui abrite les coulisses du musée, construit par les architectes Corinne Vezzoni et André Jolivet dans le quartier de la Belle de Mai. 

Un investissement de 166,65 M€, décidé par l’Etat, auquel la Ville de Marseille et les Collectivités territoriales (y compris la Région PACA) ont contribué dans l’ensemble à mesure de 58 M€. Le MuCEM est en effet la première grande réalisation d’un Musée National en région. Un nouveau phare pour la rive méditerranéenne destiné à rayonner longtemps.

Chiara Sottocorona

Bleu et noir aussi la nuit (photo Chiara Sottocorona)

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