Nouvelles technologies : comment éviter le technostress ?
Sur Sophia Antipolis, Guillaume Pertinant et Florian Sala ne pouvaient manquer de se rencontrer. Directeur général d'Havasu, spécialisé dans les questions de stress en entreprise, Guillaume Pertinant anime le blog "un Ingénieur chez les DRH". Florian Sala, professeur en management des ressources humaines et directeur scientifique du programme MSc HRM à SKEMA, a publié quant à lui un livre qui s'intitule "Un Psy chez les DRH" et dès 2003 attirait l'attention sur une nouvelle forme de stress : le technostress.
Le mois dernier a vu la publication de deux communiqués de presse qui donnent du poids aux avertissements qu'il formulait voilà près de 10 ans. Ainsi Canon France a annoncé qu'il organisait une journée sans mails afin de favoriser le bien-être de ses collaborateurs. La CFE-CGC de son côté, a dénoncé lutilisation des smartphones chez les cadres. Guillaume, sur cette question est donc allé interroger Florian. Voici l'interview qu'il a réalisée.
Quest-ce donc que le technostress? Le technostress fait référence aux conséquences de lutilisation importante des nouvelles technologies sur la santé physique et mentale des personnes qui les utilisent. Cest un sujet vaste et important qui a de multiples composantes. Certaines dentre elles procèdent du bon sens, dautres sont complexes et enfouies dans nos mécanismes inconscients. Il est important de mettre à jour ces mécanismes pour pouvoir mieux prévenir les risques associés au technostress.
Quelles sont donc les causes du technostress ? Lutilisation massive des technologies pose en premier lieu un problème dergonomie. Il semble que nous ne soyons tout simplement pas faits pour regarder un écran dordinateur à 50 cm de son nez douze heures par jour. Ensuite se pose le problème de la gestion des temps improductifs. Les téléphones de dernière génération laissent peu de répit aux cadres qui ne peuvent se « déconnecter » de stimulations associées à des temps de réponses qui doivent par ailleurs être toujours plus courts. Or nous avons tous besoin de temps de récupération et dun endroit où lon ne soit pas contrôlé. La technologie pose également la question de la quantité dinformation que lon puisse traiter puisque la réception de nombreux emails a été clairement identifiée comme un facteur de stress.
Nexiste-t-il pas également un paradoxe entre communication et information ? Bien sûr. Pour le dire simplement, la technologie met à notre disposition toujours plus dinformation et nous habitue à des comportements caractérisés par toujours moins de communication. Il y a là les conditions dune perte de relation, dune perte de sens. On ne sait plus faire quelques pas, monter quelques marches, aller taper à la porte dun collègue.
Vous mentionniez également des mécanismes inconscients. Le rapport entre lhomme et la machine est complexe et ambivalent. Lattirance vers lobjet technologique nest pas neutre puisque ce dernier est souvent personnalisé. Lhomme avide de liberté et de puissance pense assouvir ces besoins grâce à la technologie. Mais le contrôle de lhomme sur la machine est une illusion tristement ironique. Nous avons cru que nous allions pouvoir dominer le monde grâce à la technologie mais un simple écran bleu nous glace de frustration. Ainsi parle-t-on désormais de « Smartphones », appellation symbolique qui ne fait que consacrer la victoire de la technologie sur lhomme, lequel porte inconsciemment le poids de cette défaite humiliante.
Quels sont les symptômes du technostress ? Mis à part certains problèmes (troubles oculaires, tendinites, etc.), la technologie a globalement tendance à favoriser la diminution la pénibilité physique. En revanche elle augmente la charge psychique ce qui se traduit par une probabilité accrue de risques psychosociaux et psychosomatiques. En effet, lutilisation de la technologie exige une très grande activité mentale et cérébrale : haut degré de mémorisation, attention, vigilance, compréhension rapide de linformation, anticipation, acuité perceptive, représentation mentale dabstractions logiques ou complexes, etc. Par ailleurs, plus la charge psychique augmente et plus les comportements du sujet au travail deviennent asociaux (rejet, repli, fuite, suicide, agressivité, rétention dinformation violence).
Le technostress touche-t-il uniquement les férus de technologie ? Non. Lincapacité de savoir ou de pouvoir utiliser la machine est une terrible frustration pour lhomme. Elle touche ceux qui narrivent pas à suivre le rythme éperdu des avancées technologiques et ceux qui sy donnent entièrement sans y trouver la satisfaction escomptée lorsque la machine tombe en panne par exemple. Dans ces cas on ne maîtrise plus rien, le contrôle, qui est directement relié à la santé mentale, a disparu laissant place à un violent sentiment dimpuissance.
Que faire alors ? Comme pour dautres addictions nous pouvons commencer par vulgariser sur les risques associés à lutilisation abusive des TIC. Nous pouvons ensuite nous poser la question du rapport que nous entretenons avec la technologie et du rôle quelle doit avoir dans notre vie. Est-ce une fin ou un moyen ? Nous devons ensuite nous familiariser avec les avancées de lergonomie, notamment celles concernant la charge mentale.
Par exemple ? Le stress psychosocial résulte de linadéquation entre le fonctionnement psychique, les besoins et les aspirations du salarié et lorganisation du travail. Nous avons besoin de temps morts, de phases absentes de sollicitations. Par ailleurs lanxiété et la dépression émergent davantage au fur et à mesure que les individus se doivent dassimiler des données sans cesse nouvelles. Il faut donc travailler à la gestion la quantité dinformation, savoir par exemple discriminer limportant de lurgent.
+d'infos Sala, F. (2004) « Un psy chez les DRH » Editions dorganisation F. Sala « Un psy chez les DRH » Editions dorganisation - 2004 (chapitre 5 Technostress) Voir également le blog de Guillaume Pertinant : "Un ingénieur chez les DRH"
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