"Démocratie et droits de l'Homme : Fierté occidentale ou prosélytisme impérialiste ?" s'interroge Dominique Pages, qui à travers son cabinet conseil sophipolitain travaille notamment beaucoup en Russie et a eu l'occasion d'élargir son regard bien au-delà de nos frontières. Voici son texte (les intertitres sont ceux de la rédaction). Même si l'on n'est pas forcément d'accord, il donne l'occasion d'ouvrir le débat, d'y penser et d'en débattre.
"Les événements récents du Tibet remettent en perspective les éléments un débat planétaire dont nous nentendons ici en Occident (Europe et USA) que les échos qui flattent notre bonne conscience.
La démocratie et son corollaire (au moins français puisquil en est lessence de sa Révolution) des droits de lhomme sont devenus depuis la fin de la guerre et la grande période de la décolonisation le fondement du nouvel ordre mondial que lOccident cherche à installer pour assurer la régulation des équilibres géopolitiques internationaux.
"Des concepts culturels, moraux et économiques dont on peut se demander sils ont luniversalité quils revendiquent"
Ainsi sont apparus, sur les décombres de la SDN et dans les bagages des vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale, les avatars de ce nouveau référentiel tels que lONU, le FMI, la BM, lUNESCO, plus récemment lOMC, etc autant de dispositifs dautorité présumée mondiale mais dont les racines et les modes de fonctionnement (et les ressources financières, moteur de leur existence ne loublions pas) tirent leur essence dans les ressorts de la culture européenne, libérale et démocratique. Pour rendre ces institutions légitimes, on y a associé avec des statuts honorifiques (Siège permanent et droit de veto au Conseil de Sécurité) deux grands puissances (Union Soviétique et Chine Populaire) mais dont le poids économique et linfluence réelle sur le monde étaient alors limités. Et le monde arabo-musulman a été complètement mis de côté.
En foi de quoi, forts de leur représentativité dans ces institutions et surtout de leur capacité à les faire manuvrer à leur convenance, les états occidentaux ont entamé (ou du moins essayé à ce jour) linstauration dun nouvel ordre mondial, assis sur des concepts culturels, moraux et économiques dont on peut se demander sils ont luniversalité quils revendiquent.
Certes, autant la démocratie et la sensibilité aux droits de lhomme ont une réelle histoire qui a du sens pour le continent européen et par extension ses colonies les plus prospères (Amérique du Nord et Océanie, voire Amérique Latine (sic) ou du Sud), culturellement de même souche, autant la question est ouverte pour les autres grandes nations/cultures du monde.
"On ne saurait être étonné de la dialectique chinoise..."
Ainsi, notamment, pour ce qui est de la Russie et de la Chine (mais aussi pour le monde islamique qui est en conflit larvé permanent avec nous). Ces pays nont pas le même socle moral et culturel que nous, mais tous les deux (lun par sa taille et ses richesses du sol qui alimentent le monde, lautre par sa population et sa soif de retour en puissance) ne sont plus prêts à jouer les figurants, pas seulement dans les négociations économiques mais revendiquent (et revendiqueront de plus en plus) une prise en compte de leur culture dans la régulation de lordre mondial.
Soit, dira-t-on ! Et, dailleurs laccepter, cest un premier geste démocratique puisque ces populations sont plus nombreuses que celles de lOccident. Mais cest aussi accepter que les fondamentaux de cette régulation ne soient pas éternellement forcément les mêmes que ceux avec lesquels nous évoluons confortablement :
On ne saurait donc être étonné de la dialectique chinoise qui nous renvoie la question dune enquête internationale (dirigée par qui ?) sur le Tibet à propos des émeutes de Villers le Bel, ou de celle de M. Poutine qui sinterroge sur les violations des droits de lhomme à Guantanamo.
"Ne cherchons pas à être les nouveaux missionnaires du 21ème siècle"
Mais au-delà de ces échanges, demandons-nous à laune de la Démocratie et des Droits de lHomme que nous chérissons, ce quil faut penser de :
Alors, Occidentaux que nous sommes, ne cherchons pas à être les nouveaux missionnaires du 21ème Siècle auprès des « indigènes » chinois, russes et musulmans ! Revendiquons ce que nous sommes et pouvons apporter au monde, mais évitons den faire une exclusive. Préparons nous plutôt à comprendre et partager ce que les autres vont vouloir faire reconnaitre pour exister. De toute façon, avec leur puissance (re-) naissante, ils seront en mesure de nous limposer si nous restons sourds et arrogants.
A ce moment ce sera la Guerre, conséquence prévisible de tout impérialisme !
Belle victoire pour les Droits de lHomme, très respectable idéal de Paix !"
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L'éco de la Côte.