
La croissance exponentielle du trafic Internet sur les réseaux fixes et mobiles, ainsi que la croissance des transactions boursières force les directeurs d’exploitation de réseaux à investir dans de nouvelles technologies de transmission, pour le cœur de réseau. La conférence mondiale Optical Networking organisée par IIR (IIR Telecoms and Technology) au Grimaldi Forum de Monaco la semaine dernière, du 20 au 23 juin, a ouvert le débat sur les possibilités techniques disponibles à ce jour, les problèmes rencontrés, ainsi que l’évolution pour la prochaine décennie. Quelque 600 spécialistes mondiaux des réseaux y participaient.
Les défis que les opérateurs ont à relever
Quels sont les défis pour les opérateurs? Comme en témoignent plusieurs opérateurs européens dont Orange–France Telecom, Deutsche Telecom et British Telecom, la forte augmentation du trafic Internet et des applications vidéo sur le réseau d’accès pousse les opérateurs à évaluer de nouvelles vitesses de transmission sur leurs fibres, au cœur du réseau. Les prix des connexions à large bande sont en baisse et les opérateurs doivent optimiser les coûts de leur réseau sensiblement.
À ce jour, la plupart des équipements sont pourvus d’interfaces avec un débit de 10 Gigabit/s par interface (ce qui correspond à la transmission de 1000 flux vidéo HD). La nouvelle norme de l’UIT (Union Internationale des Télécommunications) permet un débit de 40 Gigabit/s et celle de l’IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers) permet un débit de 100 Gigabit/s. Les premiers produits sont déjà disponibles sur le marché, ils étaient exposés au Grimaldi Forum.
Une sensibilité accrue aux paramètres physiques de la fibre optique
L’introduction de ces nouvelles interfaces demande une étude avancée de l’état actuel du réseau, car ces nouvelles techniques sont plus sensibles aux paramètres physiques de la fibre optique. Dans les réseaux de transmission, de longues distances sont à parcourir, par exemple dans le réseau KPN (opérateur néerlandais), 555km de Londres à Amsterdam, dont 214km de liaison sous-marine.
Le long du câble, les signaux sont atténués (diminuent en amplitude) et souffrent de dispersion chromatique (changement de couleur) et de dispersion de phase (la polarisation est alternée). À l’autre bout du câble, les signaux sont détectés et interprétés, avec le risque d’erreurs et de perte de données. Selon le type d’application, les conséquences peuvent être dramatiques.
Les fournisseurs d’équipement de transmission optique, offrent des techniques de compensation pour les effets mentionnés, par amplification, traitement du signal et traversée de composants optiques spéciaux. Depuis quelques années les systèmes de transmission ont étés perfectionnés et permettent une opération quasiment automatique. Les premiers déploiements de ces nouveaux produits démontrent une excellente qualité de transmission, compte tenu des contraintes techniques, mais un niveau de prix encore assez élevé, par rapport à la transmission 10 Gigabit/s.
Avec le nombre de fournisseurs en forte augmentation et une demande plus élevée, les prix sont en baisse et on peut s’attendre à voir la technologie 100 Gigabit/,s, introduite dans la plupart des réseaux mondiaux d’ici à 2014.
Tenir compte de la nature des flux transportés
Mis à part la croissance de la capacité, un autre problème a été mis au jour par ADVA (fournisseur de systèmes optiques) : celui de la nature même des flux transportés sur les réseaux. Ceux-ci sont composés de voix, de données de différentes origines. La fluctuation du trafic maximum par rapport à la moyenne a fort changé à cause des nouvelles applications sur Internet, un facteur 10 n’est pas exceptionnel. Les réseaux de transport existants ne sont pas très flexibles en termes d’allocation de capacité, ce qui empêche une utilisation optimale de la capacité disponible, pour la plupart du temps.
Il y a plusieurs approches possibles à ce problème, pour citer des exemples, Belnet (un réseau belge pour le gouvernement et les institutions d’enseignement) met la capacité à disposition et préfère n’utiliser que deux couches (la couche optique et la couche IP) pour simplifier le réseau. Orange–France Telecom, Alcatel-Lucent et Nokia Siemens Networks voient une solution dans la technique OTN (Optical Transport Networking) pour commuter le trafic (IP et autre) avant le transport, et Juniper offre une nouvelle solution basée sur la commutation de paquets avec MPLS (Multi Protocol Label Switching). Ces solutions permettent une utilisation beaucoup plus optimale de la capacité à disposition, grâce au multiplexage statistique, dont le principe est de grouper des flux, les répartissant ensuite sur plusieurs interfaces de 10, 40 ou 100 Gigabit/s bien remplies.
Le point sensible de la consommation électrique
Un point sensible des solutions de transport est la consommation électrique. Celles-ci consomment du courant selon les distances à parcourir. Des études de Nokia Siemens Networks démontrent une consommation très élevée dans le cas de commutation à la couche IP (Internet Protocol, couche 3 logique). Des économies considérables peuvent être réalisées en commutant à une couche inférieure (couche 2 data link layer ou couche 1 physique).
Ainsi, par exemple, le trafic de données provenant de Marseille à destination de Paris et transitant par Lyon, peut être commuté à la couche optique à Lyon, plutôt que d’appliquer par défaut la commutation Ethernet ou IP. Un exemple calculé pour un opérateur mobile démontre jusque 60% de réduction des besoins énergétiques et également des économies considérables en équipements.
Il faut compter en moyenne entre 1 et 2 Watt par Gigabit/s pour les commutateurs optiques. Pour les gros commutateurs, c’est un réel facteur de coût, qui peut être sensiblement diminué par une étude préalable des caractéristiques et des besoins du trafic par rapport aux couches de communication OSI (Open Systems Interconnection).
Une architecture du réseau optique de bout-en-bout

Intermezzo : une diapositive avec l’architecture du réseau optique de bout-en-bout (Infinera)
La discussion avec les fournisseurs Cyan, Huawei et Ericsson a montré qu’une gestion de réseau de bout en bout, peut également réduire les coûts opérationnels, par exemple pour l’identification de problèmes dans un service particulier. Il est alors nécessaire de vérifier le bon fonctionnement de chaque couche de transport, et des plateformes de visualisation en 3D accélèrent l’interprétation détaillée du problème.
Quel avenir pour cette décennie? Selon les propos de Telia (opérateur suédois), COLT (opérateur pan-européen), Huawei (fournisseur chinois) et XO-communications (opérateur américain), dans le domaine du transport optique on peut s’attendre à une utilisation généralisée des interfaces 100G. Les fibres existantes ne seront pas remplacées, mais de nouvelles techniques seront mises en place pour rendre leur utilisation possible à de plus haut débits. Les prix du transport vont fort probablement continuer leur chute, avec la maturation des nouvelles technologies à très haut débit.
Les premiers produits 100 Gigabit/s en exposition
La partie exposition de la conférence était impressionnante. Devant l’entrée du Grimaldi Forum se trouvait le camion d’exposition d’Infinera, le premier fournisseur de matériel de transport aux Etats-Unis. Dans la salle d’exposition, plusieurs fournisseurs offraient un aperçu de leur portefeuille de produits. Ericsson faisait la démonstration d'une plateforme flexible en matière de flux voix domaine TDM (Time Division Multiplexing) et paquet (trames Ethernet).
Nokia Siemens Networks montrait sa nouvelle solution 100 Gigabit, de seconde génération pour sa portée et l’intégration d’un commutateur pour paquets. Huawei présentait également un système optique 100 Gigabit/s, avec 1200 km de fibre optique, des amplificateurs et multiplexeur, ainsi qu’une plateforme de commutation OTN. L'Ethernet 100 Gigabit/s est déjà opérationnel!
Laurent Verschueren

Le camion d’Infinera