Publier sur PC, PDA et mobiles : les recettes du "Device Independence"

Posté lun 04/08/2003 - 00:00
Par admin

Oui, il est déjà possible de publier sur mobiles, PDA et PC sans avoir à dupliquer l'information. Mais amateurs s'abstenir pour l'instant. Porte-parole du groupe de travail "Device Independence" lancé en 2001 par le W3C (World Wide Web Consortium), Stéphane Boyera (photo Une) nous donne l'état de l'art dans ce domaine.

Ce n'est plus l'avenir. C'est la réalité d'aujourd'hui. La multiplication des accès à l'information s'affirme comme notre quotidien. Il ne s'agit plus seulement de naviguer sur un ordinateur de bureau ou un portable. La nouvelle révolution de l'informatique qui se joue avec l'arrivée des nouveaux téléphones mobiles GPRS, des PDA, des tablettes graphiques et de tous les instruments communicants, avec la mise en place de "hotspots" et de réseaux sans fil, ouvre sur un autre âge : celui de l'information pour tous, partout, tout le temps.La vague arrive. Elle devrait devenir une déferlante dans les années qui viennent. Mais pour les professionnels des NTIC, comment tirer parti de cette nouvelle révolution ? Stéphane Boyera, connaît bien la question. Ses enjeux et ses difficultés. Porte-parole du groupe Device Independence lancé début 2001 par le Consortium World Wide Web (le W3C dont l'entité européenne est hébergée sur le site de Sophia par le GEIE ERCIM), Stéphane Boyera nous donne l'état de l'art en ce domaine. Article co-produit par Sophianet.com avec l'association Telecom Valley.- SNcom : Peut-on aujourd'hui déjà publier à partir d'un même fichier sur plusieurs supports ? Stéphane Boyera : La réponse simple est "oui mais". Aujourd'hui, si- vous êtes un ingénieur maîtrisant des technologies avancées comme XSLT- vous avez défini un langage XML spécifique à votre application ayant une sémantique forte- votre contenu n'utilise pas des contenus multimédias complexes (son/vidéo/images, etc.)- votre contenu ne s'appuie pas sur des éléments avancés côté client (javascript, etc.)alors vous pouvez arriver à publier sur plusieurs supports à partir d'un même fichier. Typiquement, dans des applications comme la publication de petites annonces ou bien de news par exemple, il est possible d'arriver à produire quelque chose d'à peu près fonctionnel. A part cela, vous avez également de nombreux autres produits utilisant des technologies propriétaires qui peuvent vous permettre d'arriver à des résultats.Mais la notion de "fichiers" n'est pas tellement importante. Ce qui est important, du point de vue de l'auteur de contenu, c'est de ne pas avoir à dupliquer l'information et à ne pas avoir à maintenir plusieurs versions simultanées. C'est pour cela que nous définissons notre objectif sous le terme d'"édition unique". C'est la tâche de l'auteur qui doit être unique. Après, il n'est pas impossible d'envisager qu' au final, à partir du document fait par l'auteur, toutes les versions pour chacun des équipements soient générées automatiquement, et donc on peut se retrouver avec "autant de fichiers qu'il y a de supports différents".- SNcom : Quel est le chemin à suivre, les standards clés à prendre dès le départ ? Stéphane Boyera : Nous n'en sommes pas encore au point de pouvoir définir une méthodologie qui permettrait à un auteur de faire des contenus "device independent", c.a.d. indépendants vis à vis de différents terminaux. Nous sommes aujourd'hui au stade où nous travaillons sur les briques manquantes. Ceci dit, les deux concepts clés sont :- séparation du contenu et de la présentation (utilisation de XHTML et CSS)- structuration forte du contenu"- SNcom : Pouvez-vous expliciter en deux mots XHTML et CSS? Stéphane Boyera : XHTML est un langage XML dédié à la description de contenu Web. XHTML est un langage qui permet à un auteur de décrire des pages Web de façon structurée (avec des titres, chapitres, sections, paragraphes, ...) et indépendamment du style. CSS est un langage de feuilles de style qui permet d'associer un style spécifique à une page Web.- SNcom : Quelles sont les "briques" qui manqueraient ou qui pourraient faciliter grandement le dispositif à mettre en place et quand peut-on espérer les avoir ? - Stéphane Boyera : Il manque plusieurs briques. Aujourd'hui, la technologie qui fait le plus défaut est celle qui permet à un équipement de décrire ses caractéristiques au serveur. Le tout n'est pas d'avoir un contenu adaptable, encore faut-il savoir quelles sont les caractéristiques de l'équipement/utilisateur qui le demande. Nous travaillons actuellement sur cette technologie, appelée CC/PP (Composite Capability and Preference Profiles). Le premier élément de l'environnement complet est sur le point de devenir une Recommandation du W3C : il s'agit du document Structure et Vocabulaires des profils CC/PP (CC/PP Structure and Vocabularies).- SNcom : Comment visualiser ce que signifie un "équipement qui affiche ses caractéristiques"? Stéphane Boyera : Un équipement décrit ses caractéristiques à un serveur Web en même temps qu'il lui demande une ressource. Par exemple, quand mon téléphone mobile demande la page du W3C, il envoie, au serveur du W3C, une requête contenant à la fois le nom de la ressource qu'il demande et la description de ses caractéristiques propres : taille d'écran, taille de mémoire, ...Ceci permet au serveur, s'il est "device independent", d'adapter la ressource demandée aux caractéristique du client, au lieu de lui retourner une page inutilisable.- SNcom : Et peut-il exister des "génériques" pour ces équipements tels "mobile", PDA, Tablette graphique, PC avec écran X pouces ? Car en fait, concernant la présentation du contenu, le plus gros problème semble être de pouvoir jongler avec des tailles d'écran très disparates du plus petit (le mobile) au plus grand (l'écran de 22 pouces, voire demain les grands écrans type écrans plasma d'aéroport)? Stéphane Boyera : La question est intéressante et est actuellement débattue au sein du groupe de travail. La réponse n'est pas simple. Bien entendu chaque équipement est très différent de son voisin. Regardez les téléphones mobiles, certain ont des boutons de navigation à deux directions, d'autres des boutons de navigation à 8 directions, donc cela change les modes d'interaction possibles. Après, dans les caractéristiques d'un équipement, on inclut également des informations comme la position géographique du téléphone (par exemple pour offrir des services comme "le restaurant le plus proche"). On voit donc qu'il y a énormément d'informations à traiter et nombre d'entre elles ne sont pas impliquées dans l'adaptation de contenu.Ceci dit, comme vous le faîtes remarquer, un des points clés pour l'adaptation de pages Web est la caractéristique du visuel. Nous travaillons actuellement et ce de manière précise sur un vocabulaire qui permet de décrire les caractéristiques d'un écran. Mais là encore, il sera très difficile d'obtenir des "génériques". Par exemple, certains téléphones portables ont 2 modes d'utilisation possibles : celui en mode fermé où l'écran est tout petit, et celui en mode ouvert (clavier déplié), où il est 3 fois plus grand, donc il est difficile de définir des classes génériques d'équipement. .Le plus gros problème actuellement est de mettre au point un vocabulaire de description des caractéristiques qui ait pour chaque attribut une sémantique définie. Par exemple, aujourd'hui, tous les téléphones portables annoncent leur taille d'écran, mais certains donnent la taille physique, d'autres la taille maximale de l'image qu'ils peuvent afficher, etc.- SNcom : Y a-t-il d'autres briques manquantes ? Stéphane Boyera : L'étape suivante, après la description de caractéristiques, est de compléter cet environnement de description des caractéristiques d'un client à un serveur en ajoutant les bouts manquants (typiquement, un vocabulaire, un protocole de transport et une méthode de résolution). Nous travaillons sur chacune de ces parties, qui feront l'objet de Recommandations W3C dans l'année à venir. Après, il faudra du temps pour que ces technologies soient réellement intégrées aux systèmes existants. Pour le W3C, il est toujours difficile d'estimer ces périodes d'adoption qui dépendent à la fois de la volonté des acteurs clés du marché, et des demandes des utilisateurs.Ensuite, au niveau des technologies existantes, il y a un certain nombre de points sur lesquels il faut travailler. Un exemple actuellement à l'étude : la description et la sélection de contenus alternatifs. Par exemple, il s'agit de permettre à un auteur, souhaitant intégrer une image à son contenu, de donner un ensemble d'images alternatives et de donner les critères à appliquer pour en sélectionner une en particulier.Un autre point important: permettre à un auteur de donner des informations de pagination. Une page Web pour un écran 21'' peut se transformer en 10 pages sur un téléphone mobile. L'auteur doit donc avoir un moyen d'indiquer où la pagination sera la plus appropriée. Toutes les adaptations automatiques sont aujourd'hui un échec.- SNcom : Quels types d'adaptation automatiques ont été tentés ? Stéphane Boyera : Par exemple beaucoup de services ont tenté de faire de la traduction automatique de page HTML en page WML (téléphone WAP) en découpant à la volée les pages, mais sans succès. Il fallait par exemple charger une dizaine de pages pour arriver à une information située en bas de page.- SNcom :Pour une entreprise qui voudrait se lancer dans la publication multi-supports, quelle est la démarche que conseillerait un spécialiste du groupe DI ? Stéphane Boyera : A ce jour il est très difficile de répondre à cette question. Du fait des lacunes identifiées, il n'y a pas de méthodes spécifiques à recommander. Cependant, la démarche à conseiller serait probablement de définir un langage XML spécifique à l'application avec une sémantique forte, et un ensemble de feuilles de transformation XSLT qui permettrait de faire des adaptations spécifiques. Malheureusement, une telle démarche demande à l'heure actuelle des compétences très pointues sur toutes les technologies du Web.- SNcom :Qu'est ce que vous appelez une "sémantique forte"? Stéphane Boyera : Un langage à sémantique forte est un langage XML dédié à une applicationdonnée, et qui définit donc des balises ayant un sens spécifique. Par exemple, si vous définissez un langage XML pour décrire des petites annonces, avec des balises comme , vous définissez par défaut un langage à sémantique forte, où vous savez exactement le sens de chaque balise. Ainsi, vous allez pouvoir transmettre au moteur d'adaptation la sémantique (le sens) de ces balises. Vous pourrez décider que pour un téléphone portable vous allez afficher et et un lien sur les autres informations. Et sur un écran 21'', vous allez pouvoir afficher toutes les informations avec une image. Ceci est dû au fait que le moteur d'adaptation sait exactement quelles sont les infos fondamentales du langage.- SNcom : Concernant votre conclusion, est-ce que cela signifie que, hors des applications simples, il est préférable de ne pas se lancer de suite, les standards n'étant pas encore tous stabilisés ? Stéphane Boyera : Non, en fait la conclusion c'est qu'aujourd'hui il est possible de faire des applications DI, mais cela demande une très grande technicité assez peu répandue chez les ingénieurs. Le W3C a lancé l'activité DI, qui est une activité horizontale, avec pour but de faciliter la mise en œuvre de ce type d'application pour le commun des mortels, exactement de la même manière que le W3C a produit un travail très important dans le domaine de l'accessibilité, ce qui permet facilement à tout auteur d'écrire des pages Web accessibles à tous.

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