Regard franco-américain sur l'éducation : comment gagner la bataille de l'intelligence

Posté jeu 22/01/2015 - 18:21
Par admin

Dans l’économie mondialisée de la connaissance, une formation universitaire n’est plus simplement un atout mais une obligation pour réussir. Sous le titre "Que de temps et d’argent perdus!" Sandrine et Maxime Crener analysent les résultats des Etats-Unis et de la France dans leurs efforts pour faire monter leur taux de diplômés afin de gagner cette bataille de l'intelligence.

Regard franco-américain sur l'éducation : comment gagner la bataille de l'intelligence

Maxime Crener a dirigé le Ceram à Sophia et développé l'Université Internationale de Monaco. Son épouse, Sandrine, est Research Associate à la Harvard Business School. Tous deux, installés depuis cinq ans à Boston, ont gardé un pied sur la Côte d'Azur. Ils sont aussi souvent appelés par des amis azuréens ou monégasques inquiets pour l'avenir de leurs enfants. D'où l'idée de cette rubrique hebdomadaire sur les problèmes actuels de l'éducation avec un point de vue posé des deux côtés de l'Atlantique. Dans leur chronique de cette semaine, ils s'attachent aux problématiques de la bataille de l'intelligence et de la connaissance aux Etats-Unis et en France. Voici leur texte.

Que de temps et d’argent perdus!

Il y a six ans le Président Obama dans son discours au Congrès s’était fixé un objectif majeur : les Etats Unis (E.U.) seront en 2020 la première nation ayant le taux moyen de diplômés de Bachelor (licence de 4 ans) le plus élevé des pays de l’OCDE. A cette époque les E.U. étaient 12ème au palmarès mondial et pour être le premier il fallait passer de 39% à 56% de diplômés par cohorte. Aujourd’hui au moment de présenter son discours sur l’Etat de la Nation, les E.U. sont 11ème et le pourcentage de jeunes qui terminent une licence (4 ans) en 4 ans est de 44%. Un progrès certes mais pas assez pour rattraper la Corée du Sud qui caracole en tête avec 66% !

L’analyse qui suit est née d’une discussion avec des collègues français qui s’inquiètent du retard pris par la France, car dans l’économie mondialisée de la connaissance, une formation universitaire n’est plus simplement un atout mais une obligation pour réussir. Ainsi en France 27% des inscrits en première année d’université obtiennent leur licence (3 ans/cohorte 2009) en 3ans, près de 39.4% réussissent leur licence en 4 ans* et moins d’un étudiant sur deux obtient le Master (46.4%) en 2 ans!

Le taux de déperdition est énorme : sur 100 inscrits en première année, 40.8% passent en deuxième année, seulement 31.2% s’inscrivent en troisième année et finalement 27% obtiennent leur licence en trois ans ! On peut noter également que 57% des bacheliers entrés à l’université en 2010 ne passent pas en deuxième année, c’est à dire un taux de réussite de 43% qui est en moyenne la moitié du taux d’obtention du baccalauréat.

De façon générale les données** que nous avons pour les E.U. sont très détaillées et fort complètes : on peut remarquer que les taux de réussite sont sensiblement supérieurs à ceux de la France. Ainsi 38.6% (cohorte 2005) des Bachelors (4 ans d’études universitaires) complètent leurs études en quatre ans, 54.3% en cinq d’études et 58.8% en six ans. Notons qu’il y a une grande variation dans ces résultats en fonction du choix de l’établissement fréquenté : les universités publiques ont un taux moyen de 32% tandis que les universités privées obtiennent un taux d’environ 52% et si l’on retient la période de six ans pour compléter le diplôme les résultats sont bien meilleurs, 65% pour le secteur privé et 57% pour le secteur public.

Dans une étude récente du National Student Clearing House Research Center (2014) qui complète, les données déjà citées du Ministère de l’Education, le taux moyen (cohorte 2007) pour terminer le Bachelor en six ans est de 56.1% et le résultat pour 2014 pour les universités publiques est de 63.4% tandis que pour les universités privées il est de 72.9%. Le résultat moyen est dû en particulier aux Community Colleges (deux ans d’études comme les BTS ou IUT en France) qui obtiennent des résultats inférieurs aux autres institutions : entre 31% et 35%.

Au niveau quantitatif, remarquons que le nombre de diplômés Bachelor pour l’année universitaire 2010-2011 a été de 1.715.913 (839.730 en 1970-71), et en particulier il y a eu 76.376 diplômés en ingénierie, 90.003 en sciences biologiques et médicales, 17.182 en mathématiques, 24.712 en physique et 365.093 en business et management. Le nombre d’inscrits en université est de 21 M d’étudiants repartis de la façon suivante : 13 M à temps plein et 8 M à temps partiel, 15 M dans le public et 6 M dans le privé, 13.5 M dans le cycle universitaire long et 7.5 M dans les études courtes type IUT.

Les données de l’OCDE (Key Facts in Education 2014) sont également intéressantes et complémentaires au point de vue comparatif, ainsi pour conclure, notons que pour l’année 2012 le pourcentage de la population comprise entre 25 et 64 ans qui a obtenu un diplôme universitaire en France est de 31% tandis qu’ aux E.U. il est de 43%, les E.U. sont 5ème sur 36 pays tandis que la France est 22ème.

Quelques chiffres pour terminer et comprendre les problématiques de la bataille de l’intelligence et de la connaissance: France environ 77 universités, E.U. 4.706 institutions d’enseignement supérieur agrées; France environ 2.2 M d’étudiants, EU 21 M d’étudiants ; France taux moyen d’étudiants par rapport à la population 3.3%, EU 6.6% ; France une université pour 860.000 habitants, EU une université pour 66.900 habitants ; en France un budget d’environ 30 milliards de dollars pour les universités , aux EU une dépense pour l’enseignement universitaire d’environ 600 milliards de dollars.

Au-delà de ces données, une conclusion s’impose: dans ces deux pays le système universitaire n’est pas toujours efficient et l’on peut mieux faire afin d’optimiser les ressources humaines, financières et physiques. Aux E.U. des efforts importants pour mieux intégrer et garder les étudiants dans le système universitaire ainsi que pour mieux les faire réussir commencent à avoir des effets positifs. Le défi est grand dans le système public car il accueille une grande diversité d’étudiants ayant des besoins d’accompagnement et de suivi pédagogique très variés, mais déjà de nombreuses expériences avec des MOOC, du on-line et des classes renversées portent leur fruit. La technologie au service de l’étudiant est une nouvelle réalité pédagogique. 2020 n'est pas loin!

Sandrine et Maxime Crener

Repères :

  • * MEN, Note d’information 1302
  • ** Digest of Education Statistics 2012, US Department of Education, NCES/2014-15

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