Regard sur l'éducation : aux US, des MOOCs 3.0 qui remplacent les cours à l'Université

Posté lun 11/05/2015 - 10:11
Par admin

Les MOOCs vont-ils remplacer les cours à l'Université, ou du moins en devenir un composant essentiel? Dans leur chronique "Regard franco-américain sur l'éducation", Sandrine et Maxime Crener se sont intéressés à ce qu'a entrepris l'Arizona State Université qui bouleverse l’ordre établi en offrant la possibilité de remplacer tous les cours de première année par l’introduction de MOOCs.

"Les MOOCs remplacent les cours à l’Université" : c'est le titre de la chronique de cette semaine de Sandrine et Maxime Crener, des professionnels azuréens de l'enseignement installés aujourd'hui à Boston, sur la Côte Est. Tous deux se sont intéressés à la grande mutation qu'annonce l’Arizona State University. L'ASU vient de signer un accord avec edX, la plateforme MOOC de Harvard et du MIT (la même qu'utilise le W3C à Sophia Antipolis pour son premier MOOC sur HTML5), et cherche à réinventer la pédagogie universitaire du Bachelor avec ce qu'elle appelle déjà les MOOCs 3.0. Voici leur texte.

Et voilà c’est parti la grande mutation de l’enseignement universitaire est en marche ! Une grande Université publique américaine bouleverse l’ordre établi en offrant la possibilité de remplacer tous les cours de première année par l’introduction de MOOCs. Fin Avril l’Arizona State University (ASU) vient de signer un accord de tout premier plan avec edX la plateforme MOOC de Harvard et du MIT. Ce projet appelé "Global Freshman Academy" réinvente la pédagogie universitaire du Bachelor en permettant aux étudiants d’obtenir des crédits (unité de valeur) universitaires.

Composée de huit cours obligatoires, la première année sera offerte à partir de la plateforme edX. De facto ces cours seront gratuits et accessibles à tous. Le Président de l’A.S.U, Michael M.Crow, qui a transformé au cours des 10 dernières années cette université de 80.000 étudiants en un espace d’innovation permanente, considère qu’il est essentiel de donner une chance à des jeunes étudiants du monde entier sans condition de ressources.

La philosophie de cet ancien vice-recteur de l’Université de Columbia est de rendre possible une formation universitaire accessible au plus grand nombre d’étudiants. Les frais d’inscription et de vérification du dossier s’élevant ainsi à environ 45 dollars. Pour cet universitaire, les Etats-Unis ont un besoin grandissant de diplômés car la nouvelle société de l’intelligence et du savoir est une grande consommatrice de talents divers.

L’élément majeur et innovateur de cette nouvelle offre réside dans le fait que l’étudiant peut suivre le cours par intérêt personnel ou pour une accumulation d’unités de valeur (crédits) servant à l’obtention du Bachelor. La mécanique est simple et astucieuse : si l’étudiant veut cumuler les crédits, il présentera les examens correspondants à chaque cours. S’il réussit son cours, et seulement à ce moment-là, l’Université lui facturera l’enseignement correspondant ! Cette façon de faire rend possible d’obtenir une année universitaire à moindre coût, sans risque financier pour l’étudiant et la famille, tout en valorisant son investissement. Ayant des lors obtenu ainsi sa première année universitaire l’étudiant peut continuer son parcours académique a l’ASU ou dans une autre université (transfert) sous une forme plus traditionnelle !

Cette nouvelle pédagogie nous semble hardie et révolutionnaire et elle préfigure à notre avis les futurs bouleversements de l’enseignement supérieur car elle va de surcroit favoriser l’entrée à l’université d’un public qui n’y avait jusqu’à présent pas accès pour des raisons économiques, sociales ou géographiques. Pouvoir s’inscrire à ces nouveaux MOOCs va leur permettre d’entamer un parcours universitaire à un coût zéro et de tester leur capacité à poursuivre des études supérieures.

Jusqu'à présent les études, en France ou aux Etats-Unis, dont nous avons déjà fait référence dans des notes précédentes, montrent que la grande majorité des étudiants inscrits aux MOOCs sont des diplômés universitaires. Comme le souligne Anant Agarwal, le patron d edX, le succès des MOOCs s’est fait auprès d’une population étudiante déjà très diplômée, mais il fait remarquer cependant que la mission de son établissement est de fournir des cours MOOC à ceux qui en ont le plus besoin. C’est d’ailleurs cette raison qui a motivé l’attrait pour ce partenariat avec ASU.

A ce stade, de cette expérience on peut se poser la question de savoir si les MOOCs sont faits pour des jeunes étudiants ? Car jusqu’ à présent le meilleur public pour ce type de cours est l’adulte diplômé en situation de travail et non pas le jeune de banlieue en quête de diplomation et ayant besoin d’un suivi pédagogique important. Néanmoins une expérience récente, effectuée par l’ASU avec la société Starbucks où des jeunes employés de cette société suivent les cours en ligne de l’université à un coût réduit, montre des résultats prometteurs. Avec la technologie MOOC et la volonté démontrée par l'ASU en investissant massivement dans ces nouvelles formes d’enseignement, le pari d’amener progressivement des jeunes défavorisés à suivre un enseignement universitaire semble sur la bonne voie.

On ne connait pas la demande pour ce nouveau type de programme et on ne sait pas si cette audace pédagogique connaitra  un succès financier. Ce partenariat a entrainé jusqu’ à présent des coûts importants dans la fabrication des cours (environ 100.000 dollars par cours) qui seront vendus, rien n’est encore décidé, à un prix moyen de 500-600 dollars par cours ce qui amènerait ce type d’année universitaire à un coût moyen de 5.500 dollars loin du coût traditionnel pour une année universitaire aux EU qui avoisine souvent les 50.000 dollars. Le coût final sera certainement revu en fonction du nombre d’inscrits dans ce parcours innovant. Néanmoins le Président Crow est confiant dans ces nouveaux MOOCs qu’il appelle déjà les MOOC 3.0 !

Sandrine et Maxime Crener

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Sandrine et Maxime Crener : l'axe Boston-Côte d'Azur

Maxime Crener a dirigé le Ceram à Sophia et développé l'Université Internationale de Monaco. Son épouse, Sandrine, est Research Associate à la Harvard Business School. Tous deux, installés depuis cinq ans à Boston, ont gardé un pied sur la Côte d'Azur. Ils sont aussi souvent appelés par des amis azuréens ou monégasques inquiets pour l'avenir de leurs enfants. D'où l'idée de cette rubrique hebdomadaire sur les problèmes actuels de l'éducation avec un point de vue posé des deux côtés de l'Atlantique.

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