Tourisme et Covid-19 : un diagnostic inquiétant pour la Côte

Négresco à Nice

Personne ne peut en douter : tourisme et Covid-19 ne font pas bon ménage. La Côte d'Azur, l'une des premières régions touristiques européennes en sait cruellement quelque chose. Elle souffre tout particulièrement d'une pandémie qui s'éternise. La conférence organisée la semaine dernière par l’Université Internationale de la Mer à Cagnes-sur-Mer en partenariat avec le CPM06 sur le thème "Tourisme et Covid-19 : bilan et conséquence sur la Côte d’Azur ?" a permis aussi d'établir un diagnostic.

"La particularité de cette crise, c’est que nous n’avons pas de vision"

Pour Paul Barelli, président du Club de la Presse, qui animait un débat avec les hôteliers et les experts, le bilan est inquiétant. Il a été dressé par Denis Zanon, DG de l’Office de Tourisme de la Métropole devant des hôteliers aux mines graves. "La particularité de cette crise, c’est que nous n’avons pas de vision. Personne n’a de solutions et ne peut dire ce que sera demain. Nous avons besoin de voir ce qu’il se passe ailleurs : c’est la première fois depuis la dernière guerre que l’on assiste à un phénomène qui bloque l’économie mondiale".

Nice en effet est tributaire du monde. "Plus de 65 % des touristes à l’année sont étrangers. Le tourisme a été la pierre angulaire de l’économie de la cité", poursuit Denis Zanon. "La moitié des emplois salariés vient de ce secteur à Nice. L’ensemble de la chaine économique de Nice est contrainte de s’adapter à des décisions très variables".

"Nous avons beaucoup de mal à donner de la cohérence à une stratégie globale. Il faut convaincre les Tours Opérators de venir à Nice". Une note positive quand même : "la ville, en dépit des catastrophes qu’elle a subies génère une image plutôt bonne dans le monde grâce à sa capacité de résilience. La gestion de la crise sanitaire a été plutôt bien perçue au Etats Unis par exemple".

Des chiffres qui témoignent de l'ampleur de la crise

Quelques chiffres témoignent de l'ampleur du problème que vivent actuellement les professionnels. "Le taux d’occupation est de 20% en juin, 55 % en juillet, 85 % en août. Nous sommes redescendus à 35 % en septembre. En octobre, nous ignorons de quoi demain sera fait. Le tourisme d’affaire, deuxième pilier de notre stratégie touristique est au point zéro," souligne également Denis Zanon.

"Tous les évènements d’entreprises ont disparu. La stratégie événementielle est contrainte par les ordonnances diverses sur les jauges du public. Nous avons connu une embellie grâce au Tour de France qui a permis de mettre en valeur l’arrière-pays. Mais tout est bouleversé avec les pluies qui viennent de le dévaster".

Secrétaire général de la Fédération de l’Hôtellerie de la Restauration et du Tourisme, Philippe Leven témoigne également : 'l’année 2020 avait bien commencée. Jusqu’en mars et puis en avril et mai on a fait zéro. En juin, le taux d’occupation s’élevait à 18%, soit moins 78%. Pour les hôtels, nous enregistrons une légère remontée en août grâce à une nouvelle clientèle nationale qui nous a rejoints. Nous sommes passés de 89 % d’occupation en 2019 à 78 % en 2020. Ce qui là n’est pas catastrophique. En revanche, la situation est alarmante en septembre avec un taux d’occupation de 34% soit une chute de 57%. Surtout quand on se réfère au Var qui a maintenu, grâce à la clientèle nationale un excellent mois de juillet et des mois d’août et septembre confortables".

Perspective pour de nombreux hôtels : la fermeture

"Cette année, la clientèle américaine a disparu, pratiquement plus de Japonais encore moins d’Italiens (30% du marché). Nous n’avons plus que les Français dont le pouvoir d’achat est bien inférieur. Dès lors, les perspectives sur la Côte d’Azur pour de nombreux établissements c’est la fermeture. En attendant des jours meilleurs…"

Aussi la Fédération de l’Hôtellerie se bat-elle auprès des différentes instances pour obtenir de l'aide. "Notre trésorerie est consommée. Des aides et actions fortes sont attendus des services fiscaux car évidemment s’il faut en plus payer des charges, sur ce que nous n’avons pas, nous serons contraints de déposer un certain nombre de bilans. Nous n’avons pas pu embaucher en réception des femmes de ménages d’extras pour les plages et les restaurants" poursuit Philippe Leven.

"Nous espérons que 2021 redémarrera au moment de Pâques et que nous pourrons nous refaire un peu. Mais nous sommes pessimistes car les hôtels qui ont engagé des travaux et ont beaucoup investi à la demande d’édiles locaux sont désormais liés à des crédits ".

Les palace azuréens n'y échappent pas

Les palaces azuréens n’échappent pas au couperet. Bruno Mercadal, DG du 5 étoiles Royal Riviera constate une perte de 67 % du chiffre d’affaire annuel avec une saison qui a duré 4 mois et demi. Le palace n’a ouvert qu’en juin avec un taux d’occupation de moins 43 % et un prix moyen en diminution de 30 %. "Au  Royal Riviera nous avons divisé notre taux d’occupation en septembre par 4. Nous aurions mieux fait de rester fermé. Le scénario est aussi sombre en octobre, nous fermons dans 15 jours en mettant tout le personnel en chômage partiel."

"C’est surtout l’absence de clientèle américaine et russe (45% de la clientèle) entre juin et septembre qui ont eu un impact important sur notre activité. Au niveau social nous avons réalisé la saison avec la moitié de notre personnel 150 employés 80 cet été".

L'exceptionnelle résilience de Nice

Le rebond ? Pour tracer commencer à en tracer des pistes, il est toujours utile de tirer les enseignements du passé. Jean-Paul Potron, conservateur en chef des bibliothèques de Nice, a ainsi relaté comment le tourisme niçois a su résister à de nombreuses crises. Dont celle de la seconde guerre mondiale.

"Nice s'est retrouvée avec toutes les jetées détruites sur le front de mer. L’armée allemande craignait un débarquement et il y avait un blockhaus devant le Negresco, des blocs de béton aux Ponchettes. Le pont du Var avait été bombardé par les alliés. Une centaine d’hôtels étaient fermés. En 1950, Nice était alors surnommée le "cimetière d’hôtels", a précisé Jean-Paul Potron. "Par la suite, la ville a connu de graves événements. Le mini tsunami en 1979 après l’effondrement du chantier de l’aéroport, l’attentat de 2016 et aujourd'hui la Covid". Et l'historien de rappeler que "Nice, en dépit des catastrophes, a su rebondir". Une note d'optimisme dans la tempête Covid.

 

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