Tribune libre : "De la démocratie à la minocratie?" par Dominique Pagès
Dans cette tribune libre, intitulée "De la démocratie à la minocratie ?" ou "50 ans de perte dautorité de la République en France ?" Dominique Pagès, fondateur de PromEst à Sophia Antipolis et "professeur de bon sens" relie plusieurs éléments qui, pour lui, concourent au même effet. Les protestations des professions et corporations, l'émergence de zones de "non-droit", la désillusion de la participation électorale particulièrement sensible dimanche dernier, mettent la gouvernance de la France dans les mains de minorités "agissantes". L'instauration d'une "minocratie" qui risque de saper les fondements de notre "res publica". Voici le texte de Dominique Pagès.
"Plusieurs symptômes de nature sensiblement différente semblent apporter de façon convergente leur contribution à ce constat qui pourrait expliquer (ou conduire à) une révision des fondements de la gouvernance de la France.
La protestation des professions
« Désormais, quand il y a une grève, personne ne s'en aperçoit » a-t-on entendu en 2008 de façon provocatrice et probablement présomptueuse. Mais au-delà de cet effet de manche, cest moins la remise en question du droit de grève, ce qui a été puérilement invoqué par lopposition, que la nuisance créée par les dévoiements liés à lexercice de ce droit et derrière cela le comportement des minorités dites « agissantes ».
Bien quelle ne soit plus depuis longtemps un mouvement massivement populaire, cette forme de revendication sest imposée en France comme le moyen dexpression récurrent de professions ou corporations qui, faute daccepter le débat public sur le sens de leurs revendications, imposent ces dernières à lEtat via la prise dotages des clients ou usagers que leur cessation de travail lèse. Ainsi des quelques milliers daiguilleurs du ciel, de conducteurs de TGV ou de RER A, ou autres chauffeurs de taxi
Et comme la population française semble, au fil des ans, avoir adopté le syndrome de Stockholm qui rend lotage compatissant voire complice de son geôlier, elle admet -quand elle le ne sollicite pas par sondeurs interposés- que lEtat ouvre droit aux revendications. Sans se rendre compte que cette connivence passive et silencieuse de la majorité constitue chaque fois un coup de canif dans le contrat démocratique qui nous lie.
Les zones de non-droit
Sur un autre domaine, lémergence de ces zones dans certains périmètres urbains, dont les meneurs sont quelques poignées imposant linsécurité et linquiétude sur ces territoires à là aussi- des populations largement plus nombreuses constituent autant de menaces pour la cohésion nationale.
Mais là aussi la reconquête de lautorité publique (qui ne se résume pas à la seule présence policière) est battue en brèche par lidéologie de la compassion sans contrepartie, du droit sans devoir ou le refus dune rigueur comportementale imposée par lensemble des représentants de lEtat.
Car derrière le non-droit et limpunité qui sy rattache se cache labsence de conscience sociale et de respect dune identité (dont je nose pas dire quelle est nationale vu le dévoiement récent du terme) collective républicaine.
La désillusion de la participation électorale
A-t-on conscience que (et la France nest pas seule dans cette situation) en raison de labstention croissante (hormis lélection présidentielle) ce sont de plus en plus des minorités élues qui exercent des responsabilités significatives sur notre vie ? Et sest-on interrogé sur les causes profondes de cette désaffection, au-delà des seuls arguments récents sur « linvisibilité » du rôle de la Région ou de lEurope?
Ne sagit-il pas plutôt dune dichotomie de plus en plus flagrante entre le psychodrame théâtral de plus en plus- ponctuel qui entoure le scrutin dit démocratique et le parcours de ladministration/parlement qui en résulte et auquel on a confié les responsabilités pour une durée déterminée ? Comme si la schizophrénie du corps politico-électoral considérait au lendemain de lélection que ce parcours ne devrait pas être corrélé au vote lui-même.
A titre dillustration, le show des questions/réponses à lAssemblée Nationale constitue une pièce de théâtre fort coûteuse, mais malheureusement sans conséquence sur la participation des mêmes élus aux engagements législatifs eux-mêmes.
Comment donc faire durablement léconomie dun débat sur ce qui relie le mot démocratie à lexercice des institutions chargées de la faire vivre ? Lexercice personnel par tel ou tel animateur de la vie politique nationale du système actuel (déjà vieux de plus de 50 ans) ne peut constituer une solution pérenne, même si elle satisfait certains par le mouvement quelle imprime momentanément.
Souhaitons que cette pratique actuelle ouvre la voie à un débat qui refonde un nouveau pacte national qui redonne du sens aux choix électoraux et aux actes qui en découlent, faute de quoi la « minocratie » que nous subissons sera le fossoyeur de notre "res publica".
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