Tribune libre : "De la démocratie à la minocratie?" par Dominique Pagès

Posté jeu 18/03/2010 - 10:35
Par admin

Tribune libre : "De la démocratie à la minocratie?" par Dominique Pagès

Dans cette tribune libre, intitulée "De la démocratie à la minocratie ?" ou "50 ans de perte d’autorité de la République en France ?" Dominique Pagès, fondateur de PromEst à Sophia Antipolis et "professeur de bon sens" relie plusieurs éléments qui, pour lui, concourent au même effet. Les protestations des professions et corporations, l'émergence de zones de "non-droit", la désillusion de la participation électorale particulièrement sensible dimanche dernier, mettent la gouvernance de la France dans les mains de minorités "agissantes". L'instauration d'une "minocratie" qui risque de saper les fondements de notre "res publica". Voici le texte de Dominique Pagès.

 

"Plusieurs symptômes de nature sensiblement différente semblent apporter de façon convergente leur contribution à ce constat qui pourrait expliquer (ou conduire à) une révision des fondements de la gouvernance de la France.

 

La protestation des professions

 

« Désormais, quand il y a une grève, personne ne s'en aperçoit » a-t-on entendu en 2008 de façon provocatrice et probablement présomptueuse. Mais au-delà de cet effet de manche, c’est moins la remise en question du droit de grève, ce qui a été puérilement invoqué par l’opposition, que la nuisance créée par les dévoiements liés à l’exercice de ce droit et derrière cela le comportement des minorités dites « agissantes ».

 

Bien qu’elle ne soit plus depuis longtemps un mouvement massivement populaire, cette forme de revendication s’est imposée en France comme le moyen d’expression récurrent de professions ou corporations qui, faute d’accepter le débat public sur le sens de leurs revendications, imposent ces dernières à l’Etat via la prise d’otages des clients ou usagers que leur cessation de travail lèse. Ainsi des quelques milliers d’aiguilleurs du ciel, de conducteurs de TGV ou de RER A, ou autres chauffeurs de taxi…

 

Et comme la population française semble, au fil des ans, avoir adopté le syndrome de Stockholm qui rend l’otage compatissant voire complice de son geôlier, elle admet -quand elle le ne sollicite pas par sondeurs interposés- que l’Etat ouvre droit aux revendications. Sans se rendre compte que cette connivence passive et silencieuse de la majorité constitue chaque fois un coup de canif dans le contrat démocratique qui nous lie.

 

Les zones de non-droit

 

Sur un autre domaine, l’émergence de ces zones dans certains périmètres urbains, dont les meneurs sont quelques poignées imposant l’insécurité et l’inquiétude sur ces territoires à –là aussi- des populations largement plus nombreuses constituent autant de menaces pour la cohésion nationale.

 

Mais là aussi la reconquête de l’autorité publique (qui ne se résume pas à la seule présence policière) est battue en brèche par l’idéologie de la compassion sans contrepartie, du droit sans devoir ou le refus d’une rigueur comportementale imposée par l’ensemble des représentants de l’Etat.

 

Car derrière le non-droit et l’impunité qui s’y rattache se cache l’absence de conscience sociale et de respect d’une identité (dont je n’ose pas dire qu’elle est nationale vu le dévoiement récent du terme) collective républicaine.

 

La désillusion de la participation électorale

 

A-t-on conscience que (et la France n’est pas seule dans cette situation) en raison de l’abstention croissante (hormis l’élection présidentielle) ce sont de plus en plus des minorités élues qui exercent des responsabilités significatives sur notre vie ? Et s’est-on interrogé sur les causes profondes de cette désaffection, au-delà des seuls arguments récents sur « l’invisibilité » du rôle de la Région ou de l’Europe?

 

Ne s’agit-il pas plutôt d’une dichotomie de plus en plus flagrante entre le psychodrame théâtral –de plus en plus- ponctuel qui entoure le scrutin dit démocratique et le parcours de l’administration/parlement qui en résulte et auquel on a confié les responsabilités pour une durée déterminée ? Comme si la schizophrénie du corps politico-électoral considérait au lendemain de l’élection que ce parcours ne devrait pas être corrélé au vote lui-même.

 

A titre d’illustration, le show des questions/réponses à l’Assemblée Nationale constitue une pièce de théâtre fort coûteuse, mais malheureusement sans conséquence sur la participation des mêmes élus aux engagements législatifs eux-mêmes.

 

Comment donc faire durablement l’économie d’un débat sur ce qui relie le mot démocratie à l’exercice des institutions chargées de la faire vivre ? L’exercice personnel par tel ou tel animateur de la vie politique nationale du système actuel (déjà vieux de plus de 50 ans) ne peut constituer une solution pérenne, même si elle satisfait certains par le mouvement qu’elle imprime momentanément.

 

Souhaitons que cette pratique actuelle ouvre la voie à un débat qui refonde un nouveau pacte national qui redonne du sens aux choix électoraux et aux actes qui en découlent, faute de quoi la « minocratie » que nous subissons sera le fossoyeur de notre "res publica".

 

Dominique PAGES

 

 

 

Ajouter un commentaire