Vote du Congrès à Versailles : le NON, NON, et NON ! de Lionnel Luca

Posté ven 16/02/2007 - 17:55
Par admin

Vote du Congrès à Versailles : le NON, NON, et NON ! de Lionnel Luca

Voici le texte que nous a adressé Lionnel Luca, député UMP, concernant le vote du Congrès à Versailles pour la proposition de révision de la Constitution.

 

"Pour la première fois dans l'histoire de la Vème République, une législature se terminera par un vote du Parlement réuni en Congrès pour réviser 3 éléments de la Constitution. Depuis 1995, elle a subit 16 révisions, dont la plus importante aura été celle du quinquennat.

 

On ne peut que soutenir la démarche d'Olivier Giscard d'Estaing qui a déposé un amendement que nous avons été 29 députés à co-signer, lors de l'examen du projet de loi modifiant le titre 9 de la Constitution, afin qu'aucune modification constitutionnelle ne puisse intervenir durant la dernière année d'une législature. Sans résultat hélas!

 

Il est évident qu'on ne peut qu'être surpris qu'on fasse adopter, à quelques jours de la fin des travaux parlementaires, 3 révisions aussi importantes qui engagent l'avenir de la Nation, sans consulter le peuple! Car, il faut le rappeler, l'article 89 de la Constitution stipule que " Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum. Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés".

 

En clair, c'est la consultation du peuple par referendum qui est la règle, et le vote des parlementaires réunis en Congrès qui est l'exception. C'est donc un abus que de demander à des représentants du peuple arrivés en fin de mandat que de modifier la Constitution sur des sujets aussi importants, surtout lorsque le Chef de l'Etat est lui-même en fin de mandat et engage, de fait, son successeur.

 

La réforme du statut pénal du Chef de l'Etat est sans doute la plus importante car elle concerne la clef de voûte de nos institutions. Eriger le Parlement en Haute Cour – qui n'est plus de Justice – en lui confiant la possibilité de destituer ou plutôt de "dissoudre" le Président de la République –non plus pour haute trahison mais pour "manquement grave à ses devoirs incompatible avec l'exercice de son mandat"; c'est ouvrir une boîte de Pandore, ce qui ne peut qu'encourager des manœuvres politiciennes. On s'apercevra vite que cette réforme au parfum de IVème République, affaiblit grandement le Président de la République, Chef de l'Etat, Chef des Armées et Gardien de la Constitution, et ne sera pas sans conséquence dans ses relations avec le Parlement.

 

La 2ème révision concerne le gel du corps électoral de la Nouvelle Calédonie de la Nouvelle Calédonie qui n'est ni plus ni moins que d'interdire à tout citoyen français arrivé sur ce territoire français depuis 1998 de pouvoir voter aux élections territoriales; c'est ce que la candidate socialiste appelle la "préférence régionale", alors qu'elle condamne la préférence nationale.

 

Imagine-t-on qu'on puisse décider le gel du corps électoral français à la date de 1981, interdisant ainsi à tous ceux qui ont la nationalité française mais qui se sont installés sur le territoire national après cette date, de s'exprimer aux élections locales au moment où certains défendent le droit de vote pour les étrangers?

 

C'est la 1ère fois dans l'histoire de la République, depuis l'adoption du suffrage universel, qu'on découpe ainsi le corps électoral et donc la souveraineté populaire.

 

C'est un retour à une forme de suffrage censitaire dont l'aspect discriminatoire n'est pas l'argent mais l'appartenance ethnique et territoriale. Rien que cela !

 

Là encore, que de déclarations multiples pour condamner –à juste titre- tout ce qui pourrait s'apparenter au communautarisme en France dans le même temps où on inaugure le premier vote communautaire dans un de nos territoires !

 

Enfin, last but not least, l'inscription de la peine de mort dans la Constitution. On cherche à faire croire aux esprits simples qu'il ne s'agit que de pérenniser le vote de 1981 par une affirmation de principe généreuse et humaniste; et ce n'est qu'au détour d'un paragraphe de l'exposé des motifs du projet de loi que l'on découvre -presque incidemment- que cela permettra de ratifier le 2ème protocole de New-York rendant irréversible la peine de mort en toutes circonstances.

 

Là encore, sans plus de précisions, on mentionne l'avis du Conseil Constitutionnel du 13 octobre 2005. Pourtant, celui-ci impose une modification constitutionnelle afin de ratifier ce protocole parce que "cet engagement lierait irrévocablement la France même dans le cas où un danger exceptionnel menacerait l'existence de la Nation; qu'il porte dès lors atteinte aux conditions essentielles de la souveraineté nationale".

 

Peu de Parlementaires auront été informés des conséquences de ce vote, et pas plus de la possibilité prévue par ce même Protocole de mettre une réserve "pour les crimes de caractère militaire, d'une gravité extrême et commis en temps de guerre". Cette réserve a été proposée par un amendement que j'ai déposé avec Richard Dell'Agnola et 16 autres députés qui a été rejeté pour le seul vrai motif qu'il risquait de perturber "l'affichage politique" de la révision.

 

L'avis du Conseil Constitutionnel sur la "menace de l'existence même de la Nation" n'a pas non plus été explicitée, alors que le Comité des Droits de Homme a clairement signifié, dans son observation générale 26 du 8 décembre 1997, que "dès lors que des individus se voient accorder la protection des droits qu'ils tiennent du Pacte, cette protection échoit au territoire et continue de leur être due, quelque modification qu'ait pu subir le gouvernement de l'Etat partie, y compris du fait d'un démembrement en plusieurs Etats ou d'une succession d'Etats et en dépit de toute mesure que pourrait avoir prise ultérieurement l'Etat partie en vue de les dépouiller des droits garantis par le Pacte".

 

Ce n'est ni plus ni moins que l'affirmation que l'individu est désormais au-dessus de l'Etat Nation, cadre naturel de sa liberté remis en cause.

 

On le voit bien ces trois révisions constitutionnelles adoptées sans consulter le peuple avec des débats faussés, sinon bâclés, n'honorent guère le rôle du Parlement sur des décisions essentielles pour le fonctionnement de nos institutions et de l'avenir de la Nation.

 

Parce que c'est au peuple, et à lui seul, qu'il appartient de décider de l'existence de la Nation, de son droit de voter et de la responsabilité du Président de la République, le seul vote acceptable lors du Congrès de Versailles est non, non et non !"

 

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