Vu par Dominique Pages : "La France, sa Presse et la Crise"

Posté lun 12/01/2009 - 09:00
Par admin

Vu par Dominique Pages : "La France, sa Presse et la Crise"

Ses "Tribunes libres" sont toujours appréciées. Dominique Pages, un humour sarcastique à la pointe de l'épée, avait épinglé les travers de la société française d'aujourd'hui. Y sont passés les CDI qu'il a rebaptisés Contrat à Durée Infini, ou encore les Assurances à tout va qui, cherchant à évacuer tout risques dévitalisent la vie. Dominique Pages a aussi plaidé pour une autre vision de la Russie ou de la Chine, pour une retraite à 45 ans, suivie d'une 2ème vie et a sabré pour le bien du "bon sens".

Il reprend la plume aujourd'hui. Il a intitulé sa tribune "La France, sa Presse et la crise". La voici. Elle ne reflète pas forcément la position de WebTimeMedias Network. Mais elle invite à réfléchir, à sortir de la pensée unique et à vous demander : et vous? Qu'en pensez vous ? N'hésitez pas à réagir (Avis des lecteurs à droite ou Réagir à l'article en bas).

"La France, sa Presse et la Crise"

"Nous, Français, aimons plus que de raison la confrontation aux institutions de toutes natures, le débat idéologique et la mise en exergue des scénarii pessimistes. Tout ceci sert à la fois la cause de chacun qui trouve ainsi une justification à son aigreur et à sa capacité personnelle de sauveur du monde, mais aussi de la Presse qui devient une caisse de résonance au profit de cette sensibilité individuelle.

Mais, par ailleurs cette même Presse va mal : écrite, elle est la moins lue et la plus chère d’Europe ; radiophonique, elle est quasiment réduite à une machine à diffuser par les ondes les dépêches d’agence ; télévisée, son château-fort, elle privilégie grâce à l’image, la diffusion d’émotions sur celle d’informations ; internet, elle est encore confidentielle (pardon MM. Largillet et Plenel). Et, en cette période d’Etats Généraux de la Presse écrite (initiative –une de plus- présidentielle, mais bien peu relayée comme telle par cette même bénéficiaire potentielle) dont le but est d’en assurer le redressement, il est ô combien intéressant d’observer qu’on y aborde les thèmes de son existence, pas de son essence.

La France, de son côté, est entrée depuis quelques années dans le deuil de mai 68 et revient (conservatisme ringard ou modernité du XXIème siècle ?) vers une quête de sens et d’authenticité, au détriment d’une idéologie certes ébouriffante, voire enthousiasmante pour l’esprit, mais sans lendemain pour la société et intellectualisée à l’extrême dont le pilier fondateur était « l’interdiction d’interdire ».

Notre Presse actuelle n’est-elle pas le plus bel avatar/vestige de cette glorieuse époque et, comme tout chêne centenaire qu’on veut abattre, elle semble se dresser comme un ultime culpabilisateur nous toisant de ses certitudes, à défaut d’être des convictions, vent debout face à la tempête qui secoue le monde ?

Aujourd’hui, le citoyen français, mediavore -passif plus qu’actif- qu’il est devenu, est à la recherche de son futur personnel (dans quelle société vont vivre mes enfants ?), professionnel (où vais-je trouver de quoi « me payer ma vie », l’Etat n’offrant plus ce confort plus que cinquantenaire) ou spirituel (quelles sont les références qui guident mes choix ?). A son inquiétude, s’ajoute la crise mondiale, qui n’est que la synthèse internationale de cette perte de sens et de repères.

De fait il a besoin de reprendre confiance dans un futur positif, attractif, sorte de nouvelle frontière reconstruisant le tissu socio-économique et d’y voir concrètement le rôle qu’il peut y trouver.

Qui sont ses interlocuteurs, ses coachs, ses points de repères, dans ces réelles questions –même si elles ne sont pas explicitement formulées ?

Le pouvoir central, illustré par le (omni) Président actuel, qui met à mal le sacro-saint principe de séparation des 3 pouvoirs constitutionnels exécutif/législatif et judiciaire au profit –du moins c’est ce dont il cherche à être crédité- d’une reconquête du dynamisme sociétal. Sur le principe, et en cohérence avec le personnage (pas la fonction), c’est une assez bonne garantie d’efficacité (même si on peut contester le modèle auquel cela nous conduit). Le risque est la dérive autocrate récupérée par une « Cour » moins concernée par ce haut dessein que par les avantages immédiats de toutes natures qu’on peut en tirer.

Les autorités philosophiques et religieuses sont un autre univers de repères, mais largement affaibli. Pour ce qui concerne les intellectuels (philosophes ou plus économistes), pas encore sevrés du sein soixante-huitard, on les voit peu en première ligne proposer une nouvelle frontière pour la société et l’organisation des rapports économiques entre ses membres. Quant aux religieux, chrétiens ils sont dans l’attente de leur propre aggiornamento que Jean-Paul II avait amorcé, mais que son successeur n’assumera pas sauf surprise ; musulmans, ils sont discrédités par l’islamisation obscurantiste de leur communauté ; juifs, ils n’ont pas de tradition d’entrisme ouvert dans les questions sociales et politiques françaises.

La Presse, elle aussi, a son fonds de commerce (au sens propre cette fois-ci) et son auditoire, et pour l’alimenter, pourrait jouer un rôle essentiel d’ouvreur de débats sur l’avenir. A cet égard elle dispose depuis quelques années, et plus particulièrement depuis l’élection du Président actuel, d’un espace d’expression que l’absence d’opposition nationale audible et crédible lui donne. Mais entrer dans une telle démarche revient à franchir un Rubicon que la « déontologie journalistique » (paravent bien confortable qui amnistie bien des lâchetés ou à-peu-près professionnels) s’interdit au prétexte de sa présumée indépendance.

Dans les faits les journalistes cumulent, à l’instar de notre Président actuel, un ensemble de droits a priori « déontologiquement » incompatibles: le choix de publier/ le contenu de la publication/la mise en valeur de la contradiction à la publication. Qu’ils l’assument donc ouvertement et, en allant au bout de cette logique, qu’ils contribuent à bâtir un univers éditorial offensif de publications/émissions/programmes qui touchent à la « chose » politique et sociale autrement qu’en seule réaction et ou commentaire de « spécialistes » face aux initiatives du pouvoir, se substituant de fait à l’opposition en berne.

En favorisant ainsi l’out-coming de journalistes apporteurs d’idées (à l’instar de JM Apathie, S. July, A. Duhamel, JF Kahn, E. Plenel, JM. Colombani) et pas seulement débatteurs/contradicteurs, la teneur et l’ambiance des émissions et publications ne pourraient qu’en être que plus positives et constructives aidant ainsi la Société à se reconstruire autour d’idées neuves, alternatives (pas uniquement contradictoires) de celles du pouvoir institutionnel et offrant des perspectives attractives aux consommateurs (lecteurs/auditeurs/téléspectateurs/internautes) de ces productions. Sans devenir hommes politiques (leurs principaux « sponsors »), ils deviendraient de réels créateurs de sens et générateurs de propositions sources d’optimisme et de perspectives pour leurs consommateurs.

Alors, ainsi, la Presse mériterait-elle à part entière son surnom de 4ème pouvoir et prendrait-elle une place non ambigüe dans le panorama des institutions qui soutiennent notre démocratie. Encore faut-il que l’histoire de la profession pèse moins que l’enjeu de son devenir !

Dominique Pages

 

 

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