World Usability Day : ce que l'ergonomie peut apporter au Développement Durable

Posté mar 17/11/2009 - 18:35
Par admin

Les six intervenants pendant la table ronde : (de gauche à droite) Sophie De Bonis, Catherine Bellino, Frédéric Falletta, Anne-Laure Negri, Vincent Giraudon et Jean-François Carrasco.

 

La Journée Mondiale de l'Utilisabilité (World Usability Day) a pour but de promouvoir à travers le monde l'idée "d'utilisabilité" et d'améliorer la facilité d'accès et d'utilisation des technologies. Dans le cadre de cet événement annuel, des professionnels de l’Utilisabilité échangent leur expérience dans ce domaine. Cette année, la société LudoTIC a, avec la collaboration de l’Incubateur Paca-Est et de l’association Use-Age, organisé et animé à Sophia Antipolis une table ronde d’ergonomes suivie d'un débat avec le public autour du thème "Développement Durable et Ergonomie". En voici le compte-rendu que nous a transmis LudoTIC (les intertitres sont de la rédaction).

 

Répondre aux besoins des êtres humains tout en préservant la planète

 

Le thème de cette année – "Designing for a Sustainable World" incitait les intervenants à définir le concept de "Développement Durable" dans son ensemble, à déterminer les enjeux et les contraintes de sa mise en œuvre au sein de l'économie de marché et à identifier le rôle que l'ergonomie pouvait jouer dans ce contexte. Tous les intervenants se sont mis d’accord sur le fait que le "Développement Durable" est le meilleur moyen de "répondre aux besoins de tous les êtres humains tout en préservant la planète".

 

Ce concept part d’un constat flagrant : l’Homme n’a pas su évoluer sans nuire à son environnement. Or, sa survie dépend de la bonne santé de notre planète. Vincent Giraudon (ergonome informaticien chez Orange Labs) insiste sur ce point en citant un exemple : "pour que tous les êtres humains de la Terre vivent de la même façon que les habitants des pays occidentaux, il faudrait les ressources de cinq planètes semblables à celles de la Terre". Face à ce constat, commun à tous les intervenants, l’Homme est contraint de modifier ses modes de vie, de production, de traitement des déchets, etc.

 

Le "Design Durable" passe par l'éco conception

 

L’Ergonome répond à ce besoin de changement puisqu’en travaillant sur l’optimisation de la production, des transports, en évoluant vers la miniaturisation, en choisissant des matières premières plus faciles à recycler, en proposant la dématérialisation des procédures administratives (etc.), il réduit automatiquement la quantité de matières premières et d'énergie utilisées.

 

Mais le "Design Durable" est une question complexe qui nécessite une approche approfondie. Ainsi, Anne-Laure Negri (ingénieur de recherche à Télécom-Paris-Tech), cite l’exemple (à ne pas suivre !!) des ampoules à basse consommation : à première vue c’est un produit écologique, puisqu’il permet de produire la même lumière qu’une ampoule classique tout en consommant moins d’énergie, avec une durée de vie plus longue. Pourtant, elles contiennent du mercure très nocif pour l’environnement et sont pratiquement impossibles à recycler.

 

Donc, l’étude des coûts cachés d’un produit, que ce soit pendant sa production, sa durée de vie ou lors du recyclage, doivent absolument faire l’objet d’une étude approfondie, si l’on veut que la démarche de Développement Durable soit efficace. C'est le but de "l'éco conception". En outre, l’Ergonomie adapte le produit aux besoins réels de l’utilisateur, il en augmente ainsi potentiellement la durée de vie puisqu’un consommateur satisfait mettra plus de temps à remplacer ce bien. Ceci a une conséquence directe sur l’environnement, car elle représente une réduction des déchets produits.

 

L'aspect social, autre paramètre commun au DD et à l'Ergonomie

 

D’autre part, certains intervenants ont tenu à souligner que le Développement Durable et Ergonomie reposent sur un autre paramètre commun : l’aspect social. Ainsi, Sophie De Bonis (responsable de l’équipe ergonomie d’IBM) cite Hans Jonas : "la technologie peut évoluer tant qu’elle ne nuit pas à l’Homme", c’est-à-dire tant qu’elle n’influence pas négativement ses agissements.

 

Catherine Bellino (responsable de Dia-Logos, cabinet de consulting en ergonomie des interfaces) insiste sur ce point en s’interrogeant : "Tout en introduisant des progrès sociaux considérables (tels que travailler ou apprendre à distance), le développement des TIC conduit à des effets de bord tels que la dépendance, l'isolement…? Il est important de développer "l'esprit critique". Elle cite en exemple les réseaux sociaux sur Internet (Facebook, My Space, etc.) qui peuvent avoir un impact très positif pour l’échange d’information et d’expérience – et pour l'environnement - mais aussi un impact néfaste puisqu’ils réduisent le contact physique indispensable à une vie sociale équilibrée.

 

L'ergonomie rend la vie plus simple aux utilisateurs

 

Par ailleurs, Jean-François Carrasco (entrepreneur polyvalent, cofondateur d’Apilinx) insiste sur le fait que le Développement Durable c’est aussi rendre une nouvelle technologie accessible à tous, tant d’un point de vue pécuniaire qu’intellectuel. Or, l’Ergonomie a un impact direct sur le mode de vie des utilisateurs, puisqu’il leur rend la vie "plus simple" en facilitant la prise en main du produit.

 

Frédéric Falletta (ergonome chez Générali) apporte un exemple concret : au sein de sa société, il a travaillé sur les logiciels métiers des assureurs afin de les rendre plus accessibles et faciles à utiliser. Ainsi, il a pu constater que les heures de formation qui étaient auparavant consacrées à la prise en main de ces outils, se sont transformées en heures de formation métier, ce qui a permis à ses collaborateurs d’augmenter la valeur ajoutée de l’entreprise et d’évoluer plus rapidement au sein de celle-ci.

 

Chaque euro investi en ergonomie lors de la conception rapporte 100 euros

 

Par ailleurs, un dernier facteur doit être pris en compte dans la démarche de Développement Durable et ce n’est pas le moindre : l’aspect économique. En effet, l’Ergonome peut aller dans le sens des constructeurs puisque, comme nous l’avons déjà dit, son travail sur la conception du produit permet à l’entreprise de baisser ses coûts de production et d’acheminement donc d’augmenter ses bénéfices.

 

Il faut savoir que chaque euro investi en ergonomie au moment de la conception du produit rapporte 100 euros. Mais l’entrepreneur ne peut souscrire à une logique de développement durable qu’à une condition : le changement qu’elle permet doit apporter de réels bénéfices par rapport à l’investissement. Il arrive ainsi que la production d’un produit "écologique" puisse amener à de vraies erreurs de stratégie qui peuvent coûter très cher à l’entreprise.

 

Jean-François Carrasco cite l’exemple de la fibre optique : les différents partenaires ont commencé l’installation, très onéreuse, d’un câble de fibre optique pour diffuser les chaînes télévisées en qualité numérique et se sont rendu compte trop tard qu’il leur en faudrait six. C’est encore une erreur lors de la conception du produit qui a fait subir des pertes à l’entreprise.

 

Aspects environnemental, social et économique : les 3 piliers du DD et de l'ergonomie

 

Enfin, le Développement Durable peut parfois être une simple stratégie marketing, qui en réalité n'est fondée sur aucune véritable recherche dans ce sens. Dans ce cas le Développement Durable n’est qu’un argument stratégique qui veut attirer les clients sensibles à la protection de l’environnement sans réellement répondre à leurs attentes. Pour éviter ce genre de pertes ou de pièges, l’Ergonome doit faire un vrai travail de pédagogue afin de sensibiliser les constructeurs (autant que les consommateurs) à l'étendue du concept de développement durable, en prenant en compte l'ensemble de ses dimensions, et en alertant ses interlocuteurs sur les coûts cachés supplémentaires auxquels pourrait conduire une trop grande précipitation au moment de la production.

 

Tous les intervenants sont d’accord sur le fait que l’Ergonome travaille autant sur l’aspect environnemental et sur l’aspect social que sur l’aspect économique qui sont les trois piliers d'une démarche de Développement Durable. Mais pour y parvenir, il doit aider à une prise de conscience des tous les défauts (de conception, d’organisation, d’acheminement, etc.) et donc pousser vers une évolution des mentalités et des techniques, avec une préoccupation permanente : répondre aux réels besoins des utilisateurs, à court et à long terme.

 

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