Knowledge Management : comment l'introduire dans l'entreprise

Posté mer 01/05/2002 - 00:00
Par admin

Ancien du Mastère en Intelligence économique et Knowledge Management du Ceram de Sophia Antipolis, Loïc Richard a participé à la mise en place d'une solution de KM dans une grande entreprise de PACA. Voici ce qu'il a tiré de cette pratique.

Economiste et sociologue de formation, Loïc Richard a exercé divers métiers orientés sur la gestion de projet avant de faire une reconversion dans le knowledge management et l’intelligence économique. Auparavant, il a suivi une formation au CERAM à Sophia Antipolis (Mastère en Intelligence économique et Knowledge Management) afin d’acquérir une culture générale de base et spécifique qui lui manquait pour exercer cette fonction à haute valeur ajoutée dans une entreprise. Après le Mastère, il a eu l'occasion de mettre en pratique la théorie dans une grande entreprise de PACA.

Au sein de cette société, il avait une fonction de chef de projet où l’objectif était de répondre à des problèmes concrets d'organisation et de gestion d'information. De cette expérience qui a duré autour de six mois, il apporte une approche pragmatique d'introduction du KM à partir d'un cas réel (les intertitres sont de la rédaction).

Une définition du Knowledge Management

"Le knowledge management parfois vu comme un effet de mode commence à faire de plus en plus son apparition dans les entreprises en France. Si la gestion des connaissances semble avoir toujours préoccupé les entreprises, il n’existe pas encore de méthodologie ou de pratiques généralisables. Pourtant, l’introduction des nouvelles technologies dans les entreprises, la globalisation des marchés, l’augmentation effrénée des besoins et des traitements de l’information et des connaissances oblige les entreprises à repenser leur mode de fonctionnement, d’organisation pour être toujours à la pointe de leur savoir faire.

Il existe beaucoup de définitions du knowledge management (KM), certaine assez complètes, d’autres plus obscures. Il n’existe pas de définition consensuelle du KM aujourd’hui, et il est possible d’en proposer une, plutôt pratique construite en fonction des besoins et des objectifs que l’on s’est donné dans l’entreprise. Le knowledge management au sens large est "un processus transversal agissant dans l’entreprise mettant en œuvre des outils, des échanges humains permettant d’identifier, d’accumuler, de capitaliser, de diffuser et de valoriser au mieux les connaissances et les acquis à partir des technologies existantes et futures et de mettre en place des processus d’organisation du travail innovant en vue d’améliorer la performance de l’entreprise et celle de l’Homme".

A titre d’exemple, voici une orientation définie au sein du département KM d'une société leader dans le domaine de la conception, fabrication de cartes à puce.

- Analyser les connaissances qui ont une valeur pour l’entreprise

- Identifier les personnes qui ont cette connaissance

- "Designer" et implémenter un système (process, outils, motivation) pour que cette connaissance soit capturée et partagée

L’intérêt d’une telle définition permet à mon avis de cadrer les objectifs du département qui se veut pragmatique car tout projet doit répondre à ces trois points. A partir de cette orientation, le département engage une démarche R&D afin d’analyser, d’identifier les produits technologiques permettant de créer de la valeur ajoutée dans l’entreprise. Mais sa particularité principale est de vendre le projet au département concerné avec parfois un développement marketing interne.

Deux enjeux fondamentaux

Le KM est à la frontière de trois éléments dont deux sont nécessaires dans la conception d’une infrastructure de KM.

- Le premier élément est l’analyse interne caractérisée par la problématique des savoir faire,

- le second, l’analyse externe caractérisée par la notion de "competitive intelligence"

- le troisième, ce sont les systèmes d’informations, les outils technologiques proprement dit.

Ces trois frontières font appel chacune à la définition d’un besoin explicite, si possible stratégique et criant dans l’entreprise. Mais la mise en place d’outils de KM peut être caractérisée par une combinaison de deux éléments indissociables, soit analyse interne / système d’information, soit analyse externe / système d’information. Ces frontières correspondent à deux enjeux fondamentaux. L’un est l’amélioration de l’accès à la connaissance et à l’information (gérer les compétences, savoir faire uniques ou stratégiques); l’autre est de formaliser les expériences de l’entreprise.

A partir de ces modèles de base décrits dans le schéma (cliquer sur le dessin " Les différentes facettes du Knowledge Management"), il est possible de proposer une méthodologie de management du KM dans l’entreprise.

Les axes d’introduction du KM dans l’entreprise

Cette méthodologie a été appliquée dans cette société sur un projet de KM dans le métier de la «standardization». La «standardization» est "le processus qui établit des critères techniques à travers des règles, des procédures ou de définitions de caractéristiques pour garantir que les produits, services sont adaptés à leurs buts et compatibles entre eux." Cet environnement est très complexe à comprendre car il existe une multitude de comités de «standardization» dans le monde qui peut revêtir ou non un aspect stratégique pour la société. Mais l’originalité dans ce métier tient à la communication des acteurs car les décisions sont prises par des stratégies d’alliance et la nécessité de connaître les « bruits de couloirs » relève d’une importance primordiale. Au niveau interne, les acteurs sont éclatés world wide et répartis dans plusieurs business units.

L’axe stratégique est identifié avec un haut manager et doit véritablement répondre à un besoin de fonds dans la société. Généralement, c’est une personne ayant une grande expérience dans la société et une forte compétence dans un domaine précis. Il est très difficile de réaliser un projet de KM sans un objectif et un but précis ni un soutien explicite d’un haut manager.

L’objectif du projet « standardization » qui a été définit était triple :

- Mettre en place un système de partage des connaissances entre les acteurs travaillant dans les comités de « standardization »

- Accroître leurs connaissances et savoir faire pour renforcer la présence et la capacité de l'entreprise à influencer les standards

- Améliorer la circulation des connaissances et des informations entre les business units

L'axe Ressources Humaines

L’axe Ressources Humaines est l’analyse de l’organisation de l’entreprise. C’est à ce niveau que l’on décide ou pas de poursuivre le projet. En effet, l’introduction du KM dans l’entreprise est subordonnée à des enjeux spécifiques pouvant prédéterminer si l’entreprise est prête ou pas à mettre un processus de partage et de gestion des connaissances. Ces points (non exhaustifs) sont :

- la situation économique de l’entreprise, il sera plus facile de faire accepter une nouvelle méthode d’organisation dans une entreprise avec quelques difficultés que dans une entreprise en pleine forme financière.

- La culture de l’entreprise. Il y a de fortes différences entre une culture anglaise et latine ou la première est réellement encline à développer des systèmes de partage des informations et l’autre à considérer que ce système de transmission des informations, des connaissances est avant tout une source de pouvoir individuel et d’influence.

- L’organisation de l’entreprise : est elle pyramidale, matricielle, adhocratique, taylorienne ? En fonction de la structure de l’organisation, la circulation de l’information, sa validation et le transfert des connaissances ne se fait pas pareil.

- L’appropriation des technologies de l’entreprise et de sa capacité à gérer des transmissions d’information « virtuels ».

Pour identifier la pertinence de la problématique du projet, une lecture approfondie a été faite pour connaître et comprendre les enjeux, le milieu de ce métier très spécifique et l’organisation de l’entreprise. Parallèlement, un quart de la population a été interviewés afin de recueillir l’ensemble des observations et des problèmes de circulation et de transmission des informations et des connaissances dans l’entreprise mais aussi de les informer et les sensibiliser sur le projet et la notion de KM. Ces entretiens de 45 minutes ont été faits à tous les niveaux hiérarchiques. Il a été soulevé les problèmes suivants :

- Une Structure organisationnelle faite par Business Unit essentiellement, L’organisation par Business Unit est très intéressante mais elle pose un réel problème de communication entre les Business Unit puisqu’elle a tendance à se refermer sur elle-même et à se centrer uniquement sur ses propres objectifs.

- Une méconnaissance du nombre d’acteurs travaillant dans ce métier

- Une méconnaissance des budgets alloués à ce secteur

- Une méconnaissance du nombre de comités de «standardization» auquel l'entreprise participe réellement ou participait.

- Une déperdition des informations et des connaissances notamment par des erreurs réalisées par l’introduction d’une caractéristique d’un standard dans la production de cartes à puce générant des surcoûts de production.

- Un problème d’orientation stratégique de l’entreprise et de positionnement des acteurs dans les comités de «standardization»

- Un besoin d’avoir un site intranet unique et une base de connaissances unique. L’intranet de l'entreprise contient beaucoup trop de contenus pour trouver une information pertinente rapidement.

-Un besoin de pouvoir transférer les connaissances entre les acteurs (il existe beaucoup de mobilité) et de pouvoir mieux communiquer entre eux.

- Avoir des points de contact

Face à l’ensemble de ces problèmes, il a été nécessaire de les résoudre un par un. En effet, identifier le nombre de comités de «standardization», leur localisation géographique, leur coût, la stratégie à adopter en fonction de chaque comité a été un travail de fonds nécessaire et de structuration et d’identification de base de connaissances à formaliser.

L'axe processus

L’axe processus est la pré-détermination de la transmission de l’information et des connaissances dans l’entreprise. Il est la résultante de l’analyse RH et les conditions de choix des technologies et des organisations qui vont être mise en place dans la société. Les solutions retenues peuvent être le choix d’un progiciel en essayant de créer une « machine à café virtuelle » ou de mettre en place par exemple des séminaires, des réunions qui sont centrées uniquement sur la problématique étudiée. Cet axe a pour objectif essentiel de déterminer comment la circulation des connaissances, des informations et leur validation doit se faire.

Grâce à cette étude, on a pu développer une taxonomie adaptée au métier et permettant à tous les acteurs de se l’approprier rapidement.

Cette taxonomie était la suivante :

- Sous-comité de «standardization» lié au Comité de «standardization»

- Technologies clés identifiées au comité et sous comité de «standardization»

- Mots libres permettant à terme d’identifier si ce mot pouvait rentrer dans les technologies clés identifiées.

- Un résumé du comité de «standardization»

- L’identification de l’acteur mettant le document dans la base.

- Contacter un expert dans un domaine précis

L’axe technologique est le choix de l’outil qui va permettre de stocker, diffuser, capitaliser, valoriser les informations ou connaissances qui seront insérées.

La solution retenue

Après une étude approfondie de diverses solutions technologiques de Knowledge Management, le progiciel de KM de la société Knowings a été retenu. Le choix de cette solution est basé sur les points suivants :

- Un outil adapté à notre problématique mettant en œuvre des caractéristiques intéressantes de transmission, partage, collecte, diffusion de l’information

- Un outil facilement paramétrable en back office et très simple d’utilisation en front office qui permet de générer de multiples bases de connaissances sur une problématique métier ou projet.

- Un outil basé sur la technologie Lotus Notes Domino adapté à l’infrastructure de la société et permettant la réplication de données à distance.

- Enfin, une entreprise ou les compétences individuelles sont fortement marquées par la connaissance théorique et pratique du knowledge management en entreprise.

La mise en place de cet outil s’est faite à travers la création d’un site dédié à ce métier. En effet, il est important à mon sens, dans une organisation d’éviter la création de contenu à tout va. Certes, dans un premier temps c’est inéluctable et c’est le meilleur moyen d’appropriation d’un nouvel outil de communication. Il est nécessaire comme toute organisation, même virtuelle que celle-ci fasse l’objet d’études et de rationalisation. Aujourd’hui, ma réflexion s’oriente sur le développement d’un site intranet organisé par métier et non nomenclaturé par département ou par business unit. La pérennité des informations et des connaissances est très importante et doit survivre aux réorganisations.

La transversalité des informations et le problème de redondance obligent à réfléchir sur une organisation plus performante et plus proche des utilisateurs. La toile comme on peut la nommer peut devenir un vrai labyrinthe pour les utilisateurs et les obliger à revenir à des méthodes de travail plus conventionnelles.

En outre, des outils parallèles étaient mis à leur disposition avec orientation sur la visioconférence et le net conferencing.

Enfin, le projet doit être transféré à la partie prenante et suivi dans le temps. Cet axe de dynamisation a pour objectif d’observer comment les parties s’approprient l’outil et de développer à partir de nouvelles analyses, des méthodologies permettant au projet de KM de créer un cercle vertueux et d’en faire un « best pratices » dans l’entreprise. A terme, le département de KM doit transférer entièrement le projet avec un droit de surveillance. Le département de KM doit être un impulseur, promoteur de nouvelles solutions, organisations mais pas un gestionnaire du projet dans le temps

Pour terminer ce cas concret d’implémentation d’outils de knowledge management dans un métier (qui n’est pas terminé actuellement), l’axe de dynamisation a eu pour objectif de former une population à l’outil et d’observer leur réaction et leur appropriation de la nouvelle organisation qui a été mise en place.

En conclusion

L’introduction de Knowledge management dans une entreprise doit se faire progressivement. Le concept de "start small, built quickly, think big" me parait particulièrement adapté à cette problématique et à l’objectif qu’un knowledge manager doit se fixer. Créer un cercle de communauté motivé par l’échange de connaissances est réellement l’enjeu primordial du knowledge management.

Les 5 facteurs de succès d’introduction du KM dans une entreprise sont :

- Un projet adapté soit à la notion de projet soit à un métier dans l’entreprise.

- Le projet doit répondre à une problématique opérationnelle et transversale

- Le projet doit répondre à un besoin évident dans la société (stratégique ou non)

- Une adhésion des dirigeants et des personnes concernées par une communauté intéressée et volontaire et destinée à une population précise et déterminée

- Une mise en place par une approche constructiviste et progressive

loic.richard1@libertysurf.fr

 

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