"#A.I. Challenge" de Chiara Sottocorona : l'AI, Amie ou Alien ?

Posté mar 17/09/2019 - 13:32
Par admin

L'Intelligence Artificielle va changer notre vie. Nous en sommes convaincus. Mais de quelle façon. Sera-t-elle amie ou ennemie ? Artificial Intelligence ou Alien Intelligence ? Journaliste italienne spécialisée dans les technologies, chargée de cours "journalisme 2.0" à l'Université de Nice, Chiara Sottocorona s'est passionnée par cette question. Elle en a fait un livre : #A.I. Challenge. Découvrez-en quelques "bonnes feuilles" traduites de l'italien.

AI, Alien Intelligence ?

Journaliste free-lance avec une longue expérience dans les technologies, collaboratrice en France du quotidien italien Il Corriere della Sera, chargée de cours "Journalisme 2.0" à l'Université Nice Sophia Antipolis, experte de technologies multimédia, Chiara Sottocorona s'est tout particulièrement passionnée ces derniers temps pour l'Intelligence Artificielle, ses impacts et ses enjeux. Une problématique à laquelle elle a dédié un livre qui vient de sortir en Italie: #A.I. Challenge- Amica o nemica? (éditeur Hoepli). Il est disponible (en italien) à l'international sur Amazon mais une version française est en préparation pour la fin de l'année. (Photo ci-dessus : conférence du chercheur japonais Nao Tokui  à Milan organisée par MEET. Credits photo: Nicola Milia).

Voici, en français, la traduction de quelques bonnes feuilles (les intertitres sont de la rédaction).

Les métiers les plus menacés par l'AI

Savez-vous quels sont les métiers, parmi les "cols blancs, destinés à disparaître en premiers, au cours des prochaines années ? Ce sont sans doute les comptables et les secrétaires de direction, mais aussi les conseillers financiers. Ils sont tous destinés à être remplacés par les algorithmes de l'intelligence artificielle.

Ce n'est qu'un début. La profession bancaire était considérée une garantie de carrière sûre et tranquille, depuis au moins de deux décennies, elle est en voie d'extinction. L'automatisation a supprimé progressivement l'employé du guichet, qui petit à petit a été remplacé par le guichet automatique multifonctions et après les filières, réduites au minimum par l'usage de la banque en ligne, des applis bancaires et des payements par le mobile.

Enfin les conseillers et les traders sont de plus en plus remplacés par les algorithmes dits "robots-investisseurs". D'après les données d'Aite Group le pourcentage d’échanges d’actionnaires gérés par les logiciels intelligents est aujourd'hui de 66% au niveau mondial (en Europe il est de 45%, un peu plus bas). Les algorithmes réalisent des opérations infinies à la seconde, en exploitant des variations de prix minimes. Et ils savent bien spéculer, prévient un article publié par le "Sole 24 ore" en octobre 2018 : ils arrivent à effectuer plus d'opérations en même temps, qu’il serait impossible pour un être humain.

Algorithmes et créativité

"Les robots vont prendre votre travail ?" c'est le titre d'un article du "New York Times", c’est une question que nous sommes tous en train de nous poser. Nous devrions plutôt nous demander :"Y-a-t-il un algorithme intelligent pour mon métier ?" Si oui, cela déjà nous mettrait hors-jeu.

Si les robots, en tant qu'objets, quoique intelligents et évolués auront la tendance à remplacer une bonne partie des travaux dits manuels (même des travaux et des rôles complexes comme dans la santé, assistance, la sécurité), les algorithmes "invisibles" vont frapper sur le travail intellectuel.

Et ensuite sur le travail créatif. Les journalistes, les présentateurs de télévision, les artistes, les musiciens sont déjà les prochaines cibles des technologies intelligentes.

Chine : un avatar instruit par l'AI pour présenter les journaux télévisés

 

 

Un nouveau visage présente les journaux télévisés en Chine : il a des ressemblances humaines, il est habillé avec une veste et une cravate, mais en réalité il s'agit d'un avatar instruit par l'intelligence artificielle. L'agence de presse d'état XINHUA l'a développé avec des algorithmes de Machine Learning  et le moteur de recherche Sogou.

Depuis quatre ans l'agence de presse américaine Associated Press a commencé à utiliser des logiciels capables d'écrire des articles d'économie d'une manière autonome. Les nouvelles traitées par l'agence sont passées de 300 écrites à la main à plus de 4.400 "automatisées" par trimestre, grâce à l'analyse de Big Data sur des documents qui concernent les entreprises. Les algorithmes intelligents sont beaucoup plus rapides que les rédacteurs à passer au crible (au peigne fin) un volume énorme de documents, comme les rapports financiers.

Google et Facebook les utilisent pour décider la priorité des nouvelles à faire apparaître dans les "news feed".

Medias : la chasse aux abonnements numériques se fait avec l'AI.

Et même dans la vielle Europe la chasse aux abonnements numériques se fait avec l'AI.

Depuis plus de deux ans le "Neue Zürcher Zeitung", le plus ancien journal suisse (fondé en 1780), utilise un "paywall" dynamique et personnalisé qui grâce au Deep Learning choisit le moment et la formule la plus convenable pour proposer à chaque lecteur de souscrire un abonnement numérique.

Il fait cela en combinant 150 critères, en traçant chaque mouvement du lecteur en ligne. La croissance des abonnements est continue et pour l'édition numérique en 2018, ils ont dépassé les gains obtenus avec la publicité : la proportion est désormais 60% des revenus des abonnements en ligne, contre 40% de la publicité en ligne.

L'usage des Big Data et de l'A.I. dans la musique en ligne

Les algorithmes sont beaucoup plus efficaces que les êtres humains pour pousser la consommation de tous les médias en ligne. Prenons le cas de la musique : le streaming est devenu la façon préférée de l'écouter et représente désormais 40% du chiffre d'affaire de l'industrie discographique.

Au Streaming Summit organisé par le Midem à Cannes en juin 2018, Scott Cohen, le fondateur et vice-président de The Orchad, une société de distribution a affirmé :"Le streaming a changé le monde de la musique comme Google a changé le web".

Le Midem, le rendez-vous international le plus important de l'industrie musicale a fait ressortir une autre tendance qui explique ce boom : l'usage des Big Data et de l'A.I. dans la musique en ligne.

Musique : le Machine Learning pour prédire les prochains succès

"Les écouteurs vont augmenter beaucoup leur consommation grâce à la découverte de nouveaux genres et de nouveaux artistes sur la base des suggestions données par les algorithmes d'intelligence artificielle" a précisé Bill Patrizio, CEO de Rhapsody-Napster. Les smart speakers à la maison, comme Alexa de Amazon ou Google Home, deviennent aussi des nouvelles suggestions pour la musique à écouter ou les programmes TV à voir. Spotify, le leader européen du streaming a acheté la start-up Echo Nest, qui utilise l'A.I. pour permettre aux fans de découvrir et partager la musique qu'ils aiment.

Une autre start-up, la californienne Asaii, a créé un moteur de recherche, dénommé "Brain", qui se base sur le Machine Learning, capable de prédire quels seront les prochains morceaux qui auront plus de succès. 16 entreprises l'utilisent déjà parmi les services musicaux, labels, radio et réseaux sociaux.

"Demain l'IA. sera en mesure de créer la musique adaptée à chaque utilisateur"

Et il y a même ceux qui utilisent l’A.I. pour composer de nouvelles pistes musicales : Aiva, société née au Luxembourg et active en France, propose une musique originale composée par des algorithmes intelligents. "Nous créons de la musique pour des films et des jeux vidéo. Et nous sommes certains que demain l'IA. sera en mesure de créer la musique adaptée à chaque utilisateur", assure Vincent Barreau, ingénieur et musicien, l'un des trois fondateurs.

Les réseaux de neurones artificiels peuvent donc créer des œuvres. Ils le font évidemment en imitant un patrimoine déjà créé par des artistes de tous âges. Mais n'oublions pas que les algorithmes d'apprentissage profond sont capables d'apprendre et d'évoluer très rapidement. Même dans le monde de l'art.

Quand les robots deviennent "artistes"

D'avril à juin 2018, la galerie nationale du Grand Palais à Paris a présenté l'exposition "Artistes & Robots". Une trentaine d'œuvres créées par des artistes avec le support de robots ou d'algorithmes intelligents. Une collaboration, dans ce cas, pour explorer les frontières de l’art dans des univers immersifs, virtuels ou interactifs. Mais quelques mois plus tard, s’est produit un fait beaucoup plus surprenant: une image entièrement générée par Intelligence artificielle est passée à une vente aux enchères de Christie's.

Le quotidien Les Echos a publié l’information: "Du 25 au 28 octobre, l’une des œuvres mises en vente lors de la vente aux enchères organisée par Christie's au Rockfeller Center de New York est le portrait d’Edmond de Belamy, estimé entre 7.000 et 10.000 euros. Généré par un système d'A.I. développé par le collectif français Obvious, le tableau avait été présenté en début d'année aux galeries parisiennes avec d'autres œuvres créées artificiellement".

GAN (Generative adversarial network); l’algorithme "peintre"

Surprise: le portrait d'Edmond de Belamy a été attribué le premier jour, à un prix record de 350.000 dollars. Un chiffre inattendu et inimaginable pour l’algorithme "peintre" appelé GAN (Generative adversarial network).

Il est développé depuis 2014 à l'Université de Montréal par trois jeunes: Gauthier Vernier, Pierre Fautrel et Hugo Caselles-Dupré. Pour transférer la capacité de peindre à leur réseau de neurones, les trois chercheurs ont commencé à le "nourrir" avec des images, en haute définition, de 15.000 portraits pris du XVème au XXème siècle. Puis ils ont opposé deux algorithmes: "Le premier génère les images en fonction des techniques qu'il a apprises, l'autre doit deviner si les œuvres qui lui sont soumises ont été créées par des humains ou par une machine", ont expliqué les chercheurs. "Le premier algorithme a pour but d'améliorer et de tromper le dernier. Il y a une variable aléatoire: c'est la meilleure façon d'imiter la créativité que nous ayons trouvée".

Le Deep Dream de Google

Google aussi travaille depuis plus de trois ans sur les œuvres générées par l'A.I., il a également organisé une vente aux enchères à San Francisco en 2016. La procédure utilisée est différente: au début, c'est un artiste qui dirige l'A.I. dans ce cas un système appelé Deep Dream. Il s’agit d’un système de reconnaissance d’image utilisé à l’inverse, en lui demandant de rechercher des éléments qui ne figurent pas dans les images analysées. Ne trouvant pas ces éléments (par exemple chien, chat, cheval, voiture), l'algorithme est amené à les insérer d'une manière qui peut sembler plutôt surréaliste.

Les réseaux de neurones les plus avancés sont déjà capables de "visualiser" des concepts et de former ainsi une image conséquente. Par exemple, vous pouvez demander à l'algorithme : "Montrez un cheval brun dans un pré vert devant un bois sombre". C'est un exemple typique fait par Joshua Bengio (fondateur du Mila, le Québec Artificial Intelligence Institute) aux étudiants pour montrer les premiers pas de l'A.I. en créativité. Et le résultat est une nouvelle image, synthétisée par la machine. Une route qui trouve déjà des applications.

Imaginez l’avantage de Google grâce à son projet Google Art, déjà en cours depuis 2011, qui a permis de numériser les œuvres de 1.200 musées dans 70 pays (officiellement au fin de "Rendre l'art accessible à tous"). Les photos et les vidéos, généralement prises en haute résolution, constituent une base de données très riche pour les algorithmes "étudiants".

Chiara Sottocorona

Ajouter un commentaire