La Comédie Française triomphe à Antibes

Léonie Simaga (Silvia) et Suliane Brahim (Lisette) dans Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux (DR © Brigitte Enguérand)

Après son inauguration samedi avec La Traviata de Verdi, Anthéa, l’Antipolis Théâtre d’Antibes, accueillait hier soir sa première représentation théâtrale avec des hôtes de marque puisque c’est la Comédie Française qui proposait l’un des grands classiques de son répertoire Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux dont le texte ciselé au cordeau reste aujourd’hui, bien qu’ayant été écrit en 1730, d’une redoutable efficacité. La pièce raconte l’histoire de Silvia promise par son père à Dorante qu’elle ne connaît pas, mais qui obtient de se faire passer pour sa servante Lisette qui prendra sa place, afin d’observer plus tranquillement son prétendant. Ce qu’elle ignore, c’est que de son côté Dorante a eu la même idée et va se présenter sous les traits de son valet Arlequin tandis que celui-ci endosse le costume de son maître. Ce qui ne devait être un jeu sans conséquence sous le regard bienveillant et amusé du père qui sait tout, se transforme en un jeu de hasard redistribuant sans cesse les données sociales et amoureuses avec des protagonistes qui jouent la comédie jusqu’à se perdre.

La vérité passe par le mensonge

Si très vite la pièce semble prévisible et sans surprise, Marivaux laisse ses personnages compliquer tout seuls la situation en montrant jusqu’où ils peuvent aller dans le mensonge. S’il parle d’amour et joue avec les sentiments, il pose une question essentielle : qu’est-ce que veut dire devenir quelqu’un d’autre ? Se cacher derrière un masque, et à travers ce mensonge, parvenir à un état de liberté qui serait sinon interdit. Marivaux en arrive à la conclusion que pour toucher la vérité, on est inévitablement amener à passer par le mensonge.  Un thème très actuel qu’il aborde au travers d’une comédie jubilatoire parfaitement servie par les 6 acteurs de la Comédie Française dans une mise en scène de Galin Stoev qui a eu l’idée de faire intervenir les personnages dans un labyrinthe aux vitres transparentes. Une boite dans laquelle ils sont condamnés à être observés, un peu comme dans la télé-réalité. A ce jeu là, aussi bien la sensuelle Léonie Simaga dans le rôle de Silvia, que le sombre et tourmenté Alexandre Pavloff qui incarne Dorante ou encore l’étonnante Suliane Brahim en Lisette, ont emporté hier soir l’adhésion totale des spectateurs d’Anthéa qui leur ont réservé un triomphe à l’issue de la représentation. Si tous les spectacles programmés par Daniel Benoin, dans ce qui est manifestement le plus beau théâtre de la Côte d’Azur, sont de la même veine, les antibois, longtemps sevrés, vont vite devenir des passionnés du spectacle vivant.

Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux – Mise en scène de Galin Stoev avec les comédiens de la Comédie Française – Anthéa – 260 avenue Jules Grec – Antibes – Mardi 9 et jeudi 11 avril à 19h30. Mercredi 10 avril à 20h30.