Guillaume Pertinant : le stress, enfer économique pour les entreprises
Guillaume Pertinant, qui se présente comme un "ingénieur chez les DRH, écrit régulièrement sur la prévention du stress en s'attachant à chaque fois à apporter un éclairage nouveau tiré de son expérience de consultant. Dans cette tribune, intitulée "Stress chronique, risques systémiques", il montre que le stress ne représente pas seulement un risque "psychosocial" qui ne concernerait que les personnes physiques, mais qu'il s'agit également de risques opérationnels et économiques pour l'entreprise. D'où son intérêt à investir aussi dans la prévention. Voici sa tribune.
"Stress chronique, risques systémiques"
Peu à peu des études longitudinales menées par des chercheurs dans le monde entier révèlent les liens existant entre le stress chronique et la détérioration de la santé physique ou mentale chez celles et ceux qui y sont exposés. Par exemple, le lien entre le stress et les troubles cardiovasculaires est désormais bien établi (1). Ceci explique lappellation qui fait aujourdhui autorité puisque le stress est considéré comme un risque dit psychosocial. Il sagit en réalité dune vision cruellement limitative et qui concourt probablement à la persistance du susdit risque, en ce sens que cette vision nengage que faiblement les décideurs en entreprise à investir dans la prévention. En effet, les domaines du "psycho" et du social sont souvent mystérieux et éloignés des préoccupations stratégiques pour les managers pragmatiques formés aux sciences "dures" et contraints aux objectifs de rentabilité. Pourquoi cette vision est-elle donc limitative? Parce que la notion de risque psychosocial se focalise sur les personnes physiques, les salariés et oublie les personnes morales, les entreprises dans lesquelles les salariés en difficulté ne peuvent sexprimer pleinement.
La réalité est que dans le cadre de lentreprise, les risques psychosociaux sont également des risques opérationnels, des risques affectant la qualité de service et des risques économiques. En premier lieu, les risques opérationnels sont relatifs à la bonne exécution des projets. Les conséquences du stress chronique sinscrivent sur quatre tableaux (troubles cognitifs, troubles physiologiques, troubles comportementaux, troubles émotionnels) et tous ont en commun de pouvoir pénaliser directement ou indirectement la productivité. En fonction de la tâche à accomplir et des moyens éventuellement utilisés pour masquer ces troubles, le travailleur souffrant des conséquences du stress peut plus ou moins bien honorer sa mission. Il est simple par exemple de comprendre lincidence probable dun fort taux dabsentéisme sur le déroulement dun projet à flux tendu. Il est possible également dimaginer la conséquence de troubles du comportement sur la bonne exécution dun projet déquipe.
Pour les mêmes raisons, le stress chronique pénalise la qualité de service des entreprises et des administrations. Quel guichetier ou quel commercial peut proposer durablement un service personnalisé et irréprochable sil souffre de traits dépressifs, ou manifeste des comportements agressifs ?
Le risque économique enfin se décline en deux conséquences fâcheuses pour lentreprise engagée dans la guerre économique mondialisée. Il sagit tout dabord de capitaux perdus sous forme de coûts directs ou indirects. Le coût de la perte de production due à labsentéisme et à la démotivation, le coût de la dégradation de limage de marque, le coût des comportements conflictuels et de la rotation du personnel, etc. La seconde conséquence économique des risques psychosociaux est-elle souvent ignorée. Il sagit des bénéfices qui auraient pu être générés si...
Sil est par définition difficile sinon impossible de quantifier les revenus dinventions qui auraient pu être inventées, les décideurs doivent considérer la valeur marchande et stratégique de linnovation et pondérer sa relation avec des conditions de travail harmonieuses. Le stress chronique est une problématique concernant tout autant largent que vous avez perdu que celui que vous auriez pu gagner. Il ne sagit donc pas uniquement de réfléchir à la manière de limiter les coûts associés au faible rendement de salariés ayant perdu la motivation, mais également dimaginer les bénéfices qui pourraient ou auraient pu être générées grâce à linnovation et lexcellence générées par des salariés motivés.
Le stress chronique est donc un risque psychosocial et économique (RPSE). Si les salariés doivent se protéger des conséquences psychosociales en prenant soin deux et de leur santé, les décideurs en entreprise doivent pour leur part se protéger des conséquences opérationnelles et économiques de ces risques en favorisant lémergence de conditions de travail adéquates où les salariés pourront sépanouir.
[1] Une étude, portant sur 10300 fonctionnaires britanniques suivis pendant 12 ans, publiée par la Société européenne de cardiologie, confirme les conclusions détudes antérieures sur la toxicité du stress au niveau cardiaque. Ainsi, il est prouvé que le risque de maladie cardiaque est multiplié par deux chez les patients victimes dun stress chronique.
Contact Voir le blog "un ingénieur chez les DRH" Consultant et formateur, Guillaume Pertinant (www.havasu.fr) est passionné par les problématiques de l'audit et du management social en entreprise. Son sujet de prédilection est l'accompagnement de projets d'amélioration des conditions de travail. Il s'intéresse en particulier à la prévention du stress, de l'absentéisme et de la démotivation ainsi qu'au chiffrage de leurs coûts économiques pour l'entreprise. |